Un beau premier film, qui prouve la possibilité d’un romantisme à peine abîmé par la brutalité du réel.
Sauvage et Shéhérazade : derrière ces noms imaginaires de mauvais parfums se cachent pourtant ceux bien réels de deux beaux premiers films, représentant une honorable délégation française en Semaine de la critique. Avec quelques points communs dignes d’être relevés – un casting de découvertes, un jeune héros vagabond, et surtout un travail sur une espèce de prostitution passionnelle, ambigument choisie, loin d’être débarrassée de son rapport à la pauvreté et la survie mais d’abord vécue comme une expérience extrême de l’amour.
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Amour et naturalisme marseillais
La prostitution dans Shéhérazade est hétéro et très jeune : c’est la fausse princesse du titre qui s’y adonne, son nom valant moins comme promesse d’une quelconque féerie que comme contrepoint ironique à la misère des street kids des quartiers nord. Celui dans l’œil duquel elle tape s’appelle Zac, sort de prison et a 17 ans. De leur coup de foudre et de l’amour entremêlé de proxénétisme qui s’ensuit, Jean-Bernard Marlin (ours d’Or du court-métrage il y a cinq ans avec La Fugue) tire une œuvre qui ne renverse pas totalement la vapeur du naturalisme marseillais : gouaille ensoleillée, mères célibataires, petite délinquance et casting « à fleur de peau », comme aime à le répéter le délégué général Charles Tesson.
Mais elle met aussi à jour à sa manière ce répertoire : de nouvelles violences (les guns remplacent les couteaux, le crack détrône le shit), de nouveaux personnages (le coloc de Shéhérazade est transgenre) s’invitent dans son monde et, étrangement, la possibilité d’un romantisme à peine abîmé par la brutalité du réel, quasi fleur bleue, revient.
Shéhérazade, de Jean-Bernard Marlin avec Dylan Robert, Kenza Fortas (Fr., 2018, 1h46).
Sélection : Semaine de la Critique (séance spéciale)
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