En ancrant son récit à l’aube de la guerre civile espagnole, Amenábar détaille la construction du franquisme et l’entrée en résistance d’un intellectuel. Un double portrait figé par le didactisme de l’exercice.
Il manquait bien une pierre à l’imposant édifice que constitue la filmographie aux orientations diverses d’Alejandro Amenábar – du thriller fantastique (Ouvre les yeux, 1997) au film d’horreur hollywoodien (Les Autres, 2001, Regression, 2015), du drame (Mar Adentro, 2004) au péplum (Agora, 2009). Pour sa nouvelle excursion, le cinéaste espagnol s’empare du film historique et d’un moment charnière de l’histoire de l’Espagne. Nous sommes à Salamanque, à l’été 1936, à la veille d’une guerre civile qui durera trois ans.
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Il manque à ce double portrait un véritable souffle
Pour graver les prémices de l’embrasement, Amenábar a la plutôt bonne idée de se focaliser sur le regard d’un penseur : le célèbre écrivain Miguel de Unamuno dont les contradictions multiples et le pragmatisme forcené l’empêchent de bien saisir ce qui est en train de se jouer – il ne vit d’ailleurs plus tellement dans le présent mais dans des rêves qui lui font revivre sa tendre et paisible jeunesse.
Au déclin d’un homme qui ne comprend plus le monde dans lequel il vit et qui ne perçoit pas le danger d’une intervention militaire dans un conflit balbutiant répond l’ascension d’un autre, le général Franco, dont l’attitude pusillanime et les ambitions encore timides cachent tout du séisme à venir.
Le film détaille le processus de construction du franquisme, consanguin d’un fascisme qui s’acclimate peu à peu à une Espagne instable, clivée, et la prise de conscience de l’intellectuel (qui s’opposera enfin lors de la cérémonie franquiste célébrant la journée de la race espagnole).
Il manque pourtant à ce double portrait un véritable souffle qui lui permette de transcender le cadre consensuel dans lequel il se fige, celui du film à thèse. Servi par une mise en scène illustrative et peu inventive, Lettre à Franco, trop appliqué à vouloir restituer l’ambivalence et la complexité de ce qu’il démontre, ne s’affranchit jamais de son didactisme.
Lettre à Franco d’Alejandro Amenábar avec Karra Elejalde, Eduard Fernández, Santi Prego (Esp., 2019, 1h47)
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