Un portrait de femme débordant d’affection sur l’irruption de la maladie.
La mère de Silvia, Leti (cia), apprend que le sale cancer qui la ronge s’est généralisé. Leti a un caractère d’acier et refuse de continuer de se soigner. Silvia et elle s’engueulent tout le temps, et c’est de l’angoisse qu’elles s’envoient en permanence à la figure, de l’inquiétude pour l’autre qu’on aime, ainsi que la peur de la mort. Silvia a d’autres soucis : juriste dans une institution nationale, elle se retrouve au cœur d’une histoire de corruption dont elle n’est pas responsable.
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Antonio, le petit garçon qu’elle a fait “toute seule”, grandit et commence à poser des questions sur son père – ou plutôt sur son inexistence apparente. Au milieu de toute cette agitation, Silvia va rencontrer l’amour avec l’homme qu’elle déteste le plus en cet instant (un journaliste qui la titille sur l’affaire de corruption), comme dans les romans à l’eau de rose.
Une distribution incroyable
Pourtant, le deuxième film du Colombien Franco Lolli (auteur du beau Gente de bien en 2014), qui fit en mai dernier l’ouverture de la Semaine de la critique à Cannes, décrit tout sauf un monde souple et réconfortant comme une pub pour un adoucissant. La Colombie contemporaine qu’il montre pourrait aussi bien être la France ou n’importe quel pays industrialisé, avec ses services d’urgences débordés, ses hauts fonctionnaires arrogants et marrons, l’indépendance revendiquée des femmes, etc.
Plus qu’une histoire (tout ou presque est donné dès les vingt premières minutes), Lolli dessine le portrait d’une femme moderne qui tente de tout concilier, vie privée et vie publique, avec cet allant qu’on trouve très souvent dans les films sur les femmes, ces femmes qui marchent, qui avancent, comme Gradiva, ce personnage de fiction qui fascinait tant Freud, les surréalistes ou Barthes.
Ce qu’il y a de beau, dans ce film trépidant où l’on ne peut s’empêcher de rire aux remarques agressives de Leti (tous·tes les acteur·rices sont admirables), c’est que la seule chose qui permette que tout tienne, que les vies ne tombent pas, c’est l’amour, ou plutôt l’affection (car l’amour reste un non-dit ou un inmontré criant entre les deux femmes). On s’engueule, mais on dort dans le même lit pour se tenir chaud, comme des petits animaux.
On ne se parle pas, mais on échange des regards tendres. On s’amuse avec le chien, on joue avec son enfant, on s’énerve contre lui parce qu’il ne se dépêche pas, mais on s’amuse aussi à se fâcher, on se raccompagne les un·es les autres, on propose à l’autre quelque chose à boire. La vie serait insupportable sans ces tout petits gestes qui font que, même après la mort, la vie va et doit continuer. C’est sur cette idée que nous laisse le film sensible, où rien n’a finalement de fin, parce que la vie continue sans nous.
Une mère incroyable de Franco Lolli, avec Carolina Sanín, Leticia Gómez, Antonio Martínez (Col., Fr., 2019, 1h37)
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