La Quinzaine des réalisateurs s’ouvre cette année sur un film de gangster au pays des Wayuu du désert colombien. Impressionnant de maîtrise, le film finit par sacrifier sa belle portée ethnologique sur l’autel d’un cinéma de genre trop déchiffrable.
Les Oiseaux de passage démarre comme un conte. Pour épouser la fille d’un autre clan, un Indien Wayuu, peuple habitant les plaines arides de Colombie, doit rassembler bétails et parures pour fournir à la famille de la belle la dot exigée. Trop pauvre, il s’associe à son meilleur ami et se lance dans le trafic de marijuana. A dos d’âne, il débute un commerce qui prendra bientôt une ampleur telle qu’il deviendra l’activité principale (et florissante) des clans respectifs du couple. Mais ce trafic tracte dans son sillage avidité et luxure, maux qui finiront par dresser les clans l’un contre l’autre.
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L’habile métissage entre une dimension ethnologique – déjà présente dans le précédent film de Ciro Guerra, L’Etreinte du serpent (2015) – et les références au film de gangster est servi par une mise en scène tout en maîtrise. Pas de doute, Les Oiseaux de passage en impose par sa capacité à exploiter la cinégénie des paysages et des visages, par la virtuosité de ses cadrages et par la justesse de son casting hybride – y figurent à la fois de véritables Amérindiens et des acteurs professionnels.
Pourtant, cet alliage entre traditions indigènes et cinéma de genre s’altère lorsque le parcours du film en forme de rise and fall se précise. Ce que le film gagne en s’inscrivant dans le mythe du film de malfrat, il le perd petit à petit en sensibilité aux coutumes des autochtones. La multiplication des références au Scarface de Brian De Palma (1983) confine les traditions indiennes au simple folklore. A l’autre bout de la chaîne alimentaire du trafic de drogue, Les Oiseaux de passage en reprend tous les codes ; de l’inscription dans les années 70-80 à la folie des grandeurs en passant par la frénésie meurtrière et la défense de l’honneur familial. Trop lisible, le film s’étire alors en longueur.
Le choix de le placer en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs ne semble pas anodin. A lui seul, le trajet du film semble contenir le projet de cette livrée 2018 de la sélection – la dernière de l’ère d’Edouard Waintrop – à savoir partir d’un attrait pour un cinéma d’auteur diversifié pour aller vers un goût marqué pour le cinéma de genre et ses codes. On pense notamment aux films à venir de Marie Monge, Romain Gavras, Panos Cosmatos et Gaspard Noé.
https://www.youtube.com/watch?v=tifgeH7w1zY
Les Oiseaux de passage de Ciro Guerra et Cristina Gallego (Col., 2018, 2h05) avec Natalia Reyes, Carmina Martinez, Jhon Narvaez et José Acosta.
Sélection : Quinzaine des Réalisateurs
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