Vingt-six remixes pour le pognon : derrière ce titre en forme de mollard dans la soupe, toujours cette inconfortable position d’Aphex Twin dans un entertainment qui le fascine autant qu’il le révulse. Compositeur fondamental et électronicien le plus important depuis Brian Eno et Kraftwerk, le maigrelet de Cornouailles peut ainsi refuser de collaborer avec une […]
Vingt-six remixes pour le pognon : derrière ce titre en forme de mollard dans la soupe, toujours cette inconfortable position d’Aphex Twin dans un entertainment qui le fascine autant qu’il le révulse. Compositeur fondamental et électronicien le plus important depuis Brian Eno et Kraftwerk, le maigrelet de Cornouailles peut ainsi refuser de collaborer avec une Björk pourtant à genoux tout en acceptant de remixer des artistes aussi mineurs que Curve ou Jesus Jones ? les jours de factures.
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Il faut pourtant chercher ailleurs les raisons de la parcimonie, voire du mépris, avec lesquels Aphex Twin répond aux sollicitations. S’il ne distribue ses reconstructions qu’au rythme d’engouements rares et minutieusement choisis, c’est parce que la musique est un sujet trop sérieux, vécu avec trop d’intensité, de drôlerie et d’amour pour le galvauder. On se souvient ainsi de la consternation du vénérable Philip Glass qui, après avoir miraculeusement accepté d’orchester le grandiose Icct Hedral d’Aphex Twin, avait vu sa version refusée par l’Anglais, qui lui reprochait son manque d’implication et d’épaisseur.
Pas de traces de cette merveille glaçante sur cette compilation, mais Philip Glass se fait ici réduire à un fascinant minimum, à l’occasion d’un remix affolé de son ample orchestration du Heroes de Bowie et Eno. On doute que les victimes consentantes de ces vingt-six relectures sadiques et inquiétantes aient osé se plaindre du traitement : une mère n’y reconnaîtra pas ses petits, adoptés et défigurés par cet athlète du morphisme, champion du détournement de fond à fins personnelles (on lui doit l’actuel revival electro-eighties largement initié, à sa grande honte, par son label Rephlex). Il fallait une audace folle, une patience d’amoureux et une précision diabolique pour faire danser le rock-hippie de Seefeel, dénicher du mystère dans le carton-pâte de Nine Inch Nails, et magnifier le rock maussade de Phillip Boa. Mais le plus fascinant demeure ces moments rares et stupéfiants où Aphex Twin se blottit à l’intérieur des chansons des autres, moitié enfant apeuré et nourri au sein, moitié virus malfaisant : c’est le cas sur le Raisin The Titanic de Gavin Bryars ou sur le Ziggy de Nav Katze. Moitié f tal, moitié fatal.
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