Cette sélection sera-t-elle marquée par l’hégémonie des habitués cannois, fera-t-elle la part belle aux nouveaux visages ? Maintenant qu’Alejandro González Iñárritu est président du jury, et à moins de trois mois de la 72 édition du Festival de Cannes, petit tour d’horizon de celles et ceux qui pourraient investir la Croisette en sélection officielle.
Cinéma français : les valeurs sûres
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Prospecter sur les films qui figureront ou non en compétition, c’est toujours se demander si certains grands noms incontournables de l’Hexagone seront de retour pour un nouveau round. Si le catalogue français, très prolifique, offre de nombreux prétendants à la Palme d’Or – et laisse donc la possibilité de voir entrer en lice de nouveaux cinéastes – quelques-uns semblent particulièrement bien positionnés pour participer à la course. C’est le cas de Bruno Dumont, sélectionné cinq fois, dont trois en sélection officielle, et récompensé à deux reprises du Grand prix du jury pour L’Humanité et Flandres. Le réalisateur est presque certain de se qualifier avec Jeanne, réinterprétation intimiste et musicale (Christophe succède à IGORRR à la partition du film) de l’histoire de Jeanne d’Arc librement inspirée du texte de Charles Péguy et qui fait suite au trip Jeannette.
Six ans après avoir remporté la Palme d’or avec La Vie d’Adèle, Abdellatif Kechiche a également de grandes chances d’être en compétition officielle cette année. Le réalisateur poursuit avec Mektoub my Love : Intermezzo, suite de Canto uno sorti l’an dernier, son observation fiévreuse des amours adolescentes, et devrait figurer sur la Croisette. Encore faudrait-il que Kechiche ait finalisé son projet, ce qui est encore loin d’être certain. On parie également, presque à coup sûr, sur la présence d’Arnaud Desplechin, figure récurrente du festival, toujours reparti sans distinction malgré un engouement quasi systématique pour ses précédentes sélections. Avec Roubaix, une ville de Lumière, le réalisateur réunit Léa Seydoux, Sara Forestier et Roschdy Zem dans un polar qui prendra pour cadre son Nord natal, et où un commissaire tentera de démêler une affaire sordide.
Beaucoup de candidates potentielles (et espérées) sont également bien engagées pour participer à la compétition, laissant présager que le jeune cinéma d’auteur français pourrait se frayer un beau chemin dans la compétition. D’abord Céline Sciamma, pour Portrait de la jeune fille en feu. Porté avec Adèle Haenel : le film nous plongera dans la Bretagne du XVIIIème siècle, retraçant l’histoire d’une peintre mandatée pour faire le portrait de mariage d’une jeune femme. Si la réalisatrice a particulièrement été plébiscitée ces dernières années lors des cérémonies des Césars (nomination en tant que meilleure réalisatrice pour Bande de filles, meilleure adaptation pour Ma vie de Courgette), elle n’a jamais été récompensée à Cannes.
Autre aspirante sérieuse, la réalisatrice Rebecca Zlotowski pourrait présenter Une fille facile, sa nouvelle comédie en forme de récit d’apprentissage, qui mettra en scène l’été inoubliable de deux cousines (dont l’une sera interprétée par la sulfureuse Zahia Dehar). Représentée à deux reprises dans des sections parallèles (Belle Epine retenu pour la Semaine de la critique et Grand Central sélectionné à Un certain regard), cette année pourrait marquer l’entrée en force de la réalisatrice dans la compétition officielle.
Révélée avec La Bataille de Solférino programmé à l’ACID en 2013, Justine Triet devrait également être en lice, après un passage par la Semaine de la critique en 2016 avec Victoria. Sybil, son dernier projet, est un film choral au casting haut de gamme (Adèle Exarchopoulos, Virginie Effira et Gaspard Ulliel).
Le jeune cinéma français (encore) à l’honneur ?
A côté de ces concurrents, piliers qui semblent d’office qualifiés, d’autres nombreux films pouvant prétendre à la sélection officielle seront probablement retenus dans des sections parallèles. C’est le cas de Notre Dame, de Valérie Donzelli avec Pierre Deladonchamps et Philippe Katerine, de Chanson douce, de Lucie Borteleau, adaptation du Prix Goncourt de Leïla Slimani avec Karin Viard et Leïla Bekti, ou encore de Enorme de Sophie Letourneur avec Marina Foïs. On attend également Extra, le très prometteur film de Guillaume Nicloux avec le duo Gérard Depardieu/Michel Houellebecq, aussi improbable qu’excitant. Il reste aussi de la place pour le dernier Guédiguian (Gloria Mundi), un chouchou du comité de sélection, sélectionné à cinq reprises en officielle, pour Emmanuel Carrère (Le Quai de Ouistreham) et surtout pour Quentin Dupieux avec Le Daim (image ci-dessous), récit loufoque de Georges, un homme qui décide de tout plaquer pour s’acheter le blouson en daim de ses rêves.
Le Festival de Cannes, qui nous a habitués à découvrir, dans les sections parallèles, un jeune cinéma d’auteur français, ne devrait pas déroger à la règle cette année. Côté premiers films, plusieurs noms encore peu connus peuvent espérer recevoir un bel accueil. Le premier long-métrage de Aude-Léa Rapin avec Adèle Haenel et Jonathan Couzinié, Les Héros ne meurent jamais pourrait être présent, ainsi qu’Un Divan à Tunis de Manele Labidi avec Golshiftef Farahani. On s’attend aussi à croiser Camille Cottin, qui pourrait venir présenter le premier film de Sarah Suco, Les vœux.
International : les favoris
Les certitudes concernant le volet international sont bien sûr liées à quelques habitués, mais aussi, pourquoi pas, à d’autres qui ne sont jamais passés par Cannes. Les têtes connues qui sont sûres à 99% d’être sur la Croisette, sauf accident, seront Pedro Almodovar (Douleur et Gloire), Hirokazu Kore-eda, lauréat de la Palme d’Or l’an passé et qui devrait être sélectionné hors compétition pour La Vérité (avec un trio Deneuve – Binoche – Ethan Hawke), puis enfin James Gray avec son très attendu Ad Astra dont le report de la date de sortie (désormais fixée au 22 mai, en plein festival) a donné un gros indice sur sa présence. On parie également sur la septième présence des frères Dardenne en compétition avec Ahmed et de Ken Loach pour Sorry we missed you, trois ans après sa deuxième Palme d’Or (I, Daniel Blake).
Concernant Xavier Dolan, le jeune protégé du festival, il sortira en cours d’année Matthias & Maxime, actuellement en post-production. Ses chances pour entrer en compétition officielle sont solides. Autres grands habitués de Cannes dont on sait peu de choses sur leur prochains films : Pedro Costa avec Vitalina Varela, Marco Bellochio avec Le Traître et Atom Egoyan avec Guest of Honour. On pourrait retrouver l’un de ces quatre noms dans la compétition officielle. Autre possible retour en sélection officielle : Kleber Mendonça Filho pour Bacurau (deux ans après Aquarius) et Justin Kurzel pour The True History of the Kelly Gang (quatre ans après Macbeth)
En revanche, si les présences de Jim Jarmush (The Dead Don’t Die) et de Quentin Tarantino (Once Upon a Time in Hollywood) nous font fantasmer, leurs films ne seraient pas prêts à temps pour le festival. Si nous ne savons encore que très peu de choses sur le projet du premier, celui de Tarantino constitue l’un des événements majeurs de cette année 2019. Une présentation en grande pompe au Palais des Festivals serait pourtant une bonne façon pour Tarantino de faire monter la sauce avant d’offrir au public sa version de l’année 1969 le 14 août prochain. Doute également pour Terrence Malick qui avec Radegund (bien distribué en France par UGC) soulève une fois encore l’interrogation d’une présence du cinéaste lauréat de la Palme d’Or en 2011 pour The Tree of Life. Harmony Korine pourrait lui aussi revenir sur la Croisette, douze ans après Mister Lonely à Un Certain Regard, avec The Beach Bum. On l’imagine même en séance de minuit pour un bad-trip nocturne cannois aux côté d’un Matthew McConaughey en drogué de l’extrême. Enfin, on verrait bien atterrir Toy Story 4 en hors compétition : Pixar est déjà venu sur la croisette avec Là-haut et Vice-Versa.
Quelles nouveautés en compétition officielle ?
A côté des habitués, on pourrait voir quelques nouveaux se faufiler pour la première fois dans la sélection officielle. Pourquoi pas Kelly Reitchardt, qui reviendra cette année avec First Cow, et dont la présence à Cannes se résume à la présentation de Wendy & Lucy en 2008 dans la section Un Certain Regard. Une entrée dans la cour des grands qui serait méritée pour la réalisatrice du sublime Certaines Femmes, l’une des meneuses du cinéma indépendant américain. Autre cinéaste à être passé dans les sections parallèles dont on imagine une présence en sélection officielle : Pablo Larraín avec The True American. Déjà présents à la Quinzaine des Réalisateurs en 2008 (Tony Manero), 2012 (No) et 2016 (Neruda) et auteur également du sublime Jackie, Pablo Larrain fait désormais partie des cinéastes les plus en vues d’Amérique du Sud. On pense aussi à Bentfeth Zeitlin, réalisateur des Bêtes du Sud sauvage, Caméra d’Or 2012, qui serait en train de finaliser son prochain film (Wendy), puis Yi’nan Dao, Ours d’Or à Berlin en 2014 pour Black Coal, déjà présent à Cannes en 2007 pour Train de nuit, qui pourrait revenir sur la Croisette avec Le Lac des oies sauvages.
Si l’on suit la sélection officielle de l’an dernier qui ouvrait la porte à quelques cinéastes jamais sélectionnés en compétition officielle, on peut penser que Thierry Frémaux et Pierre Lescure donneront une chance à quelques noms à suivre. Par exemple, Ira Sachs, dont ce serait une grande première sur la Croisette. L’auteur du sensible Brooklyn Village (prix de la critique à Deauville) revient cette année avec Frankie où nous retrouverons une actrice habituée de la Croisette : l’inarrêtable Isabelle Huppert. Pourquoi pas Robert Eggers, l’auteur de The Witch, film d’horreur très réussi, avec The Lighthouse et son excitant duo d’acteur (Robert Pattinson et Willem Dafoe). Toujours dans le registre de l’horreur : Trey Edward Shults (It Comes At Night) avec son prochain film Waves.
Quid de Netflix ?
Les doutes se dissipent également sur le cas des films Netflix. Le festival n’a officiellement pas encore annoncé sa position pour cette année, même si l’on sait que Thierry Frémaux serait à prêt à tendre la main au géant du streaming seulement s’ils étaient prêts à faire sortir leurs films en salles. Prochainement, Netflix va sortir un nouveau film de Steven Soderbergh (The Laudromat) et également The Irishman, la très attendue réunion entre Robert De Niro, Al Pacino, Joe Pesci et Harvey Keitel devant la caméra de Martin Scorsese. Rendez-vous début avril pour en savoir plus.
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