Un classement hétéroclite, brassant une multitude de genres et de nationalités, mais avec un dénominateur commun, celui de l’engagement.
Quasiment absentes de tous les podiums célébrant les meilleurs films de l’histoire du cinéma, les femmes se font rares à l’heure – souvent très masculine – des exercices de classement et de tops en tous genres. Dès les prémisses du cinéma, il y avait pourtant, derrière chaque invention attribuée à un homme, une femme pionnière œuvrant à la découverte de ce nouvel art. D’Alice Guy, première réalisatrice ayant très vite saisi l’importance du matériau fictionnel, à Lois Weber ou Dorothy Davenport, célèbres productrices de l’Hollywood naissant. Un constat qui n’empêche pas un recul actuel du pourcentage de femmes à la tête de grosses productions, comme l’a récemment révélé le Celluloid Ceiling Report. Il était donc temps qu’un panorama soit fait sur les plus beaux films réalisés par des femmes. Ce que nous propose IndieWire, qui a dressé un classement des meilleurs œuvres portées par des réalisatrices. Une liste très hétéroclite, qui pioche dans toutes les nationalités, malgré une hégémonie des productions américaines, et qui rend hommage à des œuvres dont l’engagement est le dénominateur commun.
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Un top thématique avec l’engagement comme centre névralgique
Difficile, face à cette abondante liste de 100 films, de déterminer quels critères exacts ont pu être retenus pour la sélection. Un dénominateur commun s’en dégage malgré tout clairement. La grande majorité des œuvres citées, s’attache à décrire non pas une condition féminine faite d’un seul bloc, mais bien des conditions féminines, toutes singulières selon le pays, l’époque et la société dans lesquels elles s’inscrivent. S’en dégage un top thématique, mettant beaucoup à l’honneur des films à sujets, à fort ancrage social et politique.
A la 94e place, Le Mariage des moussons (Monsoon Wedding, 2001), film indien de Mira Nair, examine, au prisme des préparatifs des noces d’une jeune fille, le traditionalisme et le tabou autour de l’inceste qui sévissent en Inde. C’est le viol et ses traumatismes, autre sujet prohibé cette fois-ci aux Etats-Unis, qu’Ida Lupino affronte dans Outrage (91e). Dans Wendy et Lucy (71e) Kelly Reichardt offre le portrait bouleversant d’une classe ouvrière américaine luttant contre les dérives de la pauvreté. Une volonté de dire, à travers des portraits féminins, un certain état du monde, que l’on retrouve dans des films aussi divers que The Watermelon Woman (43e), film lesbien de Cheryl Dunye, ou encore Winter’s Bone (12e) de Debra Granik, récit de survie d’une jeune fille dans un Missouri gangrené par la criminalité.
Une place importante donnée aux journaux filmés
Deuxième grand paradigme qui se dégage du classement : celui du journal intime filmé, qui permet aux réalisatrices de laisser se déployer une parole toujours aussi politique, mais au prisme de l’expérience personnelle, du récit de vie singulier. A la 44e place, on retrouve donc Sarah Polley et son documentaire biographique Les Histoires qu’on raconte, où se dessine l’autoportrait d’une réalisatrice en proie à sa vie familiale. News from Home, de Chantal Akerman, se hisse à la 34e position. Cette correspondance filmée entre la cinéaste et sa mère, entrecoupée de longues séquences nous immergeant dans New York, est un récit universel à la première personne. A noter également la très forte présence de Kathryn Bigelow, citée quatre fois, de Sofia Coppola et d’Andrea Arnold, nommées respectivement à deux reprises. La tête du classement se partage entre d’indéniables classiques, tels que La Leçon de piano de Jane Campion (3e), Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman, ou encore Daughters of the Dust film indépendant et afro-féministe de Julie Dash. Mais, parti-pris assez audacieux, un court-métrage expérimental y trouve aussi sa place (Meshes of the Afternoon de Maya Deren), ainsi que Lady Bird de Greta Gerwig, qui s’immisce au 6e rang.
Dix réalisatrices françaises présentes au classement
Dix réalisatrices françaises occupent ce top, parsemées à différents moments du classement. Agnès Varda est citée à deux reprises, pour Le Bonheur (26e) et parvient même à se hisser sur le haut du podium avec Cléo de 5 à 7, propulsé à la 7e place. Claire Denis est également présente deux fois, pour 35 Rhums (90e), et Beau Travail (2e), sans oublier Catherine Breillat mentionnée pour A ma sœur. En dehors de ces figures de proue, quelques outsiders se distinguent. On se réjouit de la présence de Céline Sciamma pour Bande de filles (5e), et de Marjane Satrapi pour Persepolis (23e), on s’étonne un peu plus de celle de Mélanie Laurent pour Respire (52e). L’intégralité du classement est disponible ici.
Les 10 premiers films du classement:
10. Daughters of the Dust (Julie Dash, 1991)
9. Pasqualino (Pasqualino Settebellezze, Lina Wertmüller, 1976)
8. Meshes of the Afternoon (Maya Deren, 1943)
7. Cléo de 5 à 7 (Agnès Varda, 1962)
6. Lady Bird (Greta Gerwig, 2017)
5. Les Petites Marguerites (Sedmikrásky, Vera Chytilova, 1966)
4. Une équipe hors du commun ( A League of Their Own, Penny Marshall, 1992)
3. La leçon de Piano (The Piano, 1993)
2. Beau Travail (Claire Denis, 1999)
1. Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles (Chantal Akerman, 1975)
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