Le Centre Pompidou commence un partenariat de 10 ans avec Bruxelles : l’ancien garage Citroën, près du quartier de Molenbeek, abrite depuis le 5 mai les collections du musée d’art moderne et contemporain. Un hyper lieu, où la rencontre entre un espace industriel et l’art contemporain se déploie magistralement. Tous à Bruxelles !Le Centre Pompidou commence un partenariat de 10 ans avec Bruxelles : l’ancien garage Citroën, près du quartier de Molenbeek, abrite depuis le 5 mai les collections du musée d’art moderne et contemporain. Un hyper lieu, où la rencontre entre un espace industriel et l’art contemporain se déploie magistralement. Tous à Bruxelles !
A quelques pas du quartier de Molenbeeck, au bord du canal de Willebroek, l’ancien garage Citröen, chef d’œuvre de l’architecture industrielle bruxelloise des années 1930, accueille depuis le 5 mai une partie des foisonnantes collections du Centre Pompidou. Fruit d’un partenariat conclu entre la région Bruxelles-Capitale, la fondation Kanal et le Centre Pompidou, “Kanal-Centre Pompidou“ s’immisce avec force dans le paysage artistique belge, mais aussi européen, tant le projet promet d’attirer un public large. En effet, le lieu dégage un pouvoir de séduction immédiat, à la fois par son architecture et les œuvres qu’elle abrite (Robert Morris, Bruce Nauman, Gabriel Orozco, Martial Raysse, Armand Gatti, Jenny Holzer, Carl Andre, Dan Flavun, Neil Beloufa, Victor Burgin, Sol Lewitt, Ito Toyo, La Ribot, Anthony MacCall, Jean Prouvé, Jean Tinguely, Franz West, Michel Gondry, Erwin Wurm…)
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L’espace architectural de cet ancien garage dessiné par André Citroën lui-même offre une expérience inédite au visiteur qui, outre de découvrir des œuvres majeures de l’histoire de l’art moderne et contemporain, se livre à une sorte de déambulation et de flânerie, indexées à l’immensité du lieu (35 000 m²). La directrice générale du Centre Pompidou, Julie Narbey, nous rappelle que “par comparaison, le Palais de Tokyo n’a que 28 000 m²“. C’est dire que par son immensité, le bâtiment porte des promesses infinies en termes de programmation. Jusqu’au 10 juin 2019, cet ancien garage se veut d’ailleurs une sorte de plateforme ouverte aux enjeux du musée de demain, avec une programmation pluridisciplinaire, ouverte autant à la performance, au spectacle vivant qu’aux arts visuels. Serge Laurent, programmateur des spectacles vivants au Centre Pompidou, a par exemple invité Sophie Perez et Xavier Boussiron durant le week-end d’ouverture avec leur hilarant spectacle “Beaubourg La Reine“.
Durant cette année de préfiguration, KANAL-Pompidou a aussi prévu d’épouser le rythme bruxellois en partenariat avec le Kunstenfestivaldesarts, Bozar, le festival Performatik, Flagey, le Kaaitheater ou la Raffinerie. Outre un musée d’art moderne et contemporain, le site accueillera à terme un musée d’architecture, en partenariat avec la Fondation CIVA, ainsi que nombreux espaces publics dédiés aux arts de la scène et aux débats.
Artistes bruxellois du XXIe siècle
Dans cet antre industriel, hanté par les fantômes automobiles et les spectres du monde ouvrier, on marche donc beaucoup et longtemps, on monte, on descend, on muscle ses mollets, on emprunte des voies escarpées, on erre dans des zones vides, sans que l’art n’impose lourdement sa présence ; au contraire, l’accrochage pensé par Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne-Centre Pompidou, joue sur un effet de discrétion, comme si les œuvres exposées s’ajustaient naturellement à l’espace, comme si elles y avaient toujours été, en accord la rusticité des murs. Brut, Kanal-Centre Pompidou assume l’état d’un bâtiment d’avant-guerre resté dans son jus, et dont les travaux prévus d’ici un an devraient respecter la rugosité. Un peu à l’image du Palais de Tokyo à Paris dont les architectes Lacaton et Vassal avaient conduit la réhabilitation au début des années 2000.
Si le projet a suscité localement des réserves, notamment au sein des institutions artistiques (musées, centres d’art…) voyant d’un œil méfiant cette intrusion impériale française au sein d’une ville en demande de soutiens publics, le Ministre-Président du gouvernement de la région de Bruxelles-Capitale Rudi Vervoort insiste sur la volonté de “mettre en place ce que nous voulons être un élément majeur du futur musée d’art moderne et contemporain : une politique de commande auprès d’artistes qui créent à Bruxelles, permettant d’amorcer la création d’une collection KANAL, laissant aux habitants de notre région un patrimoine constitué de la création contemporaine bruxelloise du XXIe siècle et je l’espère des siècles à venir“. Soucieux de faire rayonner le Centre Pompidou au-delà de son territoire parisien (un projet actif à Malaga depuis l’an dernier, un prochain à Shangaï), le président Serge Lavignes salue, de son côté, l’originalité de ce partenariat, qu’il définit comme “une nouvelle façon de partager l’émotion artistique, de susciter le croisement des disciplines, de faire vivre la culture au diapason d’une ville ouverte et généreuse“.
Un projet cohérent et excitant
En attendant donc les travaux, qui démarreront dans un an, les expositions donnent le sentiment d’un projet cohérent et excitant. Bernard Blistène confie que ce projet bruxellois réactive une énergie proche de celle de l’invention de Beaubourg il y a quarante ans, comme un élan muséal d’un autre ordre, propre au XXIe siècle, dans un cadre stimulant, populaire, historique, où tout est à imaginer. Comme une manière d’accompagner une certaine idée de l’art, dont Bernard Blistène défend avec une sincérité totale la nécessité, attaché à la ligne de conduite évoquée par Jean-Luc Godard en ces termes : “Que veut l’art ? Tout. Que peut l’art ? Rien. Que fait l’art ? Quelque chose“.
Ce que peut l’art en l’occurrence à KANAL-Pompidou, c’est jouer indiciblement avec le bâtiment, dont Bernard Blistène avoue qu’il a été le “fil rouge“ pour penser l’accrochage des œuvres. L’histoire sociale du garage se déploie en creux tout au long du parcours qui fait place à diverses salles appropriées – vestiaires, bureaux, ateliers, cuisine… – où les œuvres sélectionnées résonnent directement avec l’écrin dans lequel elles brillent. Les fonctions administratives et commerciales des bureaux font signe dans les pièces d’artistes comme Jenny Holzer, Marcel Broodthaers, Haim Steinbach, Fabrice Hyber, Fischli & Weiss, Marcel Duchamp ou Alain Séchas avec son désopilant “Mannequin“ tête baissée…, qui toutes révèlent de façon distanciée, ironique ou critique les rites de la société administrée et les vices de la vie de bureau. De même, dans les anciens ateliers de carrosserie, les sculptures monumentales de César, Robert Rauschenberg, Nicolas Schöffer, Richard Serra ou Donald Judd… s’inscrivent dans un espace-temps, où les carrosseries des voitures Citroën ont été remplacées par des pièces éclatées et recomposées par un imaginaire artistique débridé. Plus bas, un autre univers cohérent et autonome se déploie autour de l’imaginaire de Michel Gondry qui a reconstitué sa formidable “usine de films amateurs“, où de pièce en pièce, à la manière d’un vrai studio de cinéma (chambre à coucher, cuisine, compartiment de train…) le visiteur est invité à fabriquer son propre film selon un protocole simple proposé par le cinéaste bidouilleur.
Au premier étage, la “maison tropicale“ de Jean Prouvé, une œuvre de Toyo Ito (“PAO II“) et une autre de Martial Raysse (“Oued Laou“), issues des collections du Centre Pompidou, font écho à des questions politiques actuelles comme les mutations urbaines ou le post-colonialisme… A côté, la grande installation de La Ribot, “Walk the chair“, située dans l’ancien Carwash (vue récemment au Tripostal à Lille dans l’exposition “Performance“) invite le spectateur à faire usage de chaises pliantes dans un espace nu.
« Transformer un garage en ville culturelle »
Autre contexte spatial, autres émotions : le sublime étage abritant des œuvres majeures de l’art minimal et conceptuel (Dan Flavin, Sol Lewitt, Bruce Nauman…), prolongé au sommet du bâtiment, par les spectrales installations visuelles d’Anthony MacCall, mais aussi par la projection du film d’Armand Gatti, Le lion, sa cage et ses ailes (1975), dans les anciens vestiaires du garage, jusqu’à l’incroyable “DS“ éventrée de Gabriel Orozco magistralement posée dans l’ancienne aire de livraison des véhicules neufs, décorée aux couleurs rouge et blanc de la marque, offre au visiteur l’occasion de se frotter à d’autres pans des collections du Centre Pompidou.
A KANAL-Pompidou, la déambulation est autant un voyage au centre de l’histoire de l’art moderne et contemporain qu’une divagation au centre d’un paradis perdu de l’automobile. Le pari d’Yves Goldstein, en charge du projet pour la région, “de transformer un garage en ville culturelle“, trouve avec l’appui de Bernard Blistène et de ses équipes de conservateurs (Nicolas Liucci-Goutnikov, Marcella Lista, Jonathan Pouthier, Diane Toubert, Philippe-Alain Michaud…) un magistral point d’accomplissement. L’accomplissement de l’idée d’une préfiguration qui trouvera avec le temps, et les dix années du partenariat à venir, l’occasion de se redéployer dans le plus beau des garages.
KANAL-Pompidou, Une année de préfiguration, jusqu’au 10 juin 2019
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