La créatrice de la série “The OA” s’est exprimée dans le quotidien américain à propos des rôles proposés aux actrices à Hollywood, en dénonçant le peu d’alternatives réellement intéressantes aux personnages féminins victimisés ou érigés au rang d’objet.
Brit Marling, co-créatrice de la série The OA (injustement arrêtée par Netflix après deux saisons) s’est livrée dans les pages du New York Times à travers un op-ed lucide et éclairé sur le peu de rôles féminins réellement novateurs proposés à Hollywood. La jeune femme, à la fois actrice, scénariste et productrice, s’est rendue à Los Angeles dans le but de devenir comédienne à l’âge de 24 ans. Après des débuts difficiles, elle s’est fait connaître grâce à plusieurs films à petit budget (Another Earth de Mike Cahill et Sound of My Voice de Zal Batmanglij) qu’elle a co-écrit et dans lesquels elle a également joué. A la suite de ces expériences, elle co-crée The OA avec Zal Batmanglij, série tirant sur la science-fiction qui rencontre un grand succès tant auprès de la critique que du public.
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Dans cet article d’opinion, Brit Marling raconte ses débuts à Hollywood et les rôles pour lesquels elle auditionne, très souvent réduits aux mêmes archétypes : “mince, séduisante, la femme de Dave” ; “fille robot, un exploit d’ingénierie remarquable” ; “sa poitrine est forte et elle porte un pull rouge”. Elle explique ainsi se sentir éloignée de ces représentations : “Je n’étais pas attirée par le métier d’actrice parce que je voulais être désirée. J’étais attirée par le théâtre parce que je sentais qu’il me permettrait de devenir la personne entière, incarnée, que je me rappelais être dans mon enfance – une personne qui pouvait imaginer librement, écouter profondément et ressentir de tout son cœur.”
Des personnages féminins souvent malmenés dans les récits
L’actrice pointe également du doigt le fait que les femmes à l’écran soient souvent montrées comme des victimes, quand elles ne sont pas purement et simplement tuées dans le récit : “J’ai été bouleversée par le nombre de récits qui ont assassiné leurs personnages féminins. […] Même la fougueuse Antigone, la courageuse Jeanne d’Arc et Thelma et Louise connaissent des fins tragiques, en grande partie parce qu’elles sont fougueuses, courageuses et sans entraves. Elles peuvent défier les rois, refuser la beauté et se défendre contre la violence. Mais il est difficile pour un scénariste d’imaginer un monde dans lequel de telles femmes libres peuvent exister sans conséquences brutales.”
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Brit Marling continue ensuite en expliquant sa conception du strong female lead, qu’on pourrait traduire par « rôle principal féminin fort », qui se résume de son point de vue à des personnages dotés de qualités vues comme « masculines » mais encore très souvent sexualisés. Elle précise : “C’est un assassin, un espion, un soldat, un super-héros, un PDG. Elle peut faire une compresse de blessure avec un maxi pad pendant qu’elle est en fuite. Elle a la débrouillardise de MacGyver, mais elle est plus belle dans un débardeur.”
Une structure narrative du récit encore très masculine
Par ces exemples, l’actrice fait référence à la structure narrative souvent très masculine des récits. Les fondements de la narration sont, en général, basés sur des qualités et des valeurs vues comme propres aux hommes et à la masculinité seulement. En clair, la dimension trop simpliste de cette conception rend la création de personnages féminins forts (en plus de la nécessité de définir cette « force ») difficile : une femme sexualisée à l’écran ne pourra pas forcément être qualifiée d’empowered simplement parce qu’elle se bat et qu’elle a des armes. Elle ajoute : “Lorsque nous tuons des femmes dans nos histoires, nous ne faisons pas qu’annihiler les corps féminins sexués. Nous annihilons le féminin en tant que force, où qu’il réside – chez les femmes, chez les hommes, dans le monde naturel. Car ce que l’on veut vraiment dire quand on dit que nous voulons des rôles féminins forts, c’est ‘Donnez-moi un homme, mais dans le corps d’une femme que je veux encore voir nue.’”
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Après avoir évoqué son expérience d’analyste dans une banque, où elle dit avoir appris à être assujettie au pouvoir des hommes, avant de s’en défaire progressivement dans sa carrière d’actrice, Brit Marling ajoute : “Je ne crois pas que le féminin soit sublime et que le masculin soit horrible. Je crois que les deux sont précieux, essentiels, puissants. Mais nous avons calomnié l’un, vénéré l’autre, et sommes tombés dans des performances exagérées des deux qui causent du tort à tous. Comment rétablir l’équilibre ? Ou comment évoluer au-delà des limites que la binarité comme le féminin/masculin présentent en premier lieu ?”
Et de terminer par ces mots : “Je ne veux pas être la fille morte, ni la femme de Dave. Mais je ne veux pas non plus être un personnage féminin fort, si mon pouvoir est défini en grande partie par la violence et la domination, la conquête et la colonisation.”
La totalité de l’article est à lire sur le site du New York Times.
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