Pendant un mois et demi, une journaliste de “Libération” s’est fait passer pour une jeune fille de 13 ans en quête de rencontres amicales sur des plateformes dédiées aux 12-25 ans.
Rencontre-ados.net, Rencontre-ado.com et Nodaron.fr. A travers ces trois sites réservés aux jeunes âgés de 12 à 25 ans, Libération s’est plongé dans le monde virtuel des adolescents… mais pas seulement. Pendant un mois et demi, une journaliste a pris l’identité d’une jeune de 13 ans cherchant à faire des rencontres amicales sur ces plateformes. Il ne fallut pas attendre longtemps avant qu’elle se rende compte que cet « autre monde » s’avérait en réalité très similaire aux sites de rencontres classiques, avec une majorité d’hommes âgés de plus de vingt ans dont les pratiques en ligne posent questions et inquiètent.
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Un problème de contrôle d’âge
Dans un sens comme dans l’autre, l’âge des internautes n’est absolument pas contrôlé sur les plateformes en ligne réservées aux « adolescents ». Sur le même principe que les réseaux sociaux classiques tels que Facebook ou Twitter, il est précisé que « les mineurs de plus de 13 ans doivent demander l’autorisation à leurs parents » mais rien n’est mis en place pour le vérifier. Rien de plus simple donc, pour un jeune de 13 ans ou moins – car la date de naissance n’est pas non plus vérifiée – de créer un compte sur ces plateformes.
Il en est de même pour les personnes plus âgées. Officiellement réservées aux moins de 26 ans, quiconque qui ment sur son âge peut finalement y avoir accès. L’enquête de Libération en est d’ailleurs la preuve. Mais le problème va encore plus loin puisque ces sites fixent une limite d’âge qui mélange mineurs et majeurs. Et le constat de Libé est sans appel : « Sur notre profil de fille de 13 ans en quête de rencontres amicales, les demandes de contact provenaient à plus de 50 % d’hommes de plus de 20 ans ». Une pratique dénoncée par Justine Atlan, directrice générale de l’association e-Enfance, interrogée par le journal : « 12-25 ans, c’est scandaleux. Les prédateurs sexuels qui cherchent des rencontres avec des pré-ados peuvent avoir 25-30 ans (…), migrent ensuite sur d’autres lieux d’échanges pour aller plus loin. Ces sites pour ados sont une porte d’entrée. »
L’omniprésence du sexe
Et cela se confirme dans le contenu des messages : « Au cours de notre expérience sur les trois sites, la majorité a tourné autour du sexe, malgré le rappel systématique de notre âge et de notre quête d’amitié. » La journaliste évoque d’innombrables propos choquants ainsi que des incessantes demandes de « nudes » [photos de nus, ndlr] et « plans cam » [le fait de demander à une personne d’interagir par webcam, la plupart du temps dans le but d’inciter cette dernière de se dévêtir, ndlr], des menaces, des propositions sado-maso, des propositions de rendez-vous ou encore des offres pour « devenir mère porteuse ».
Interrogés par Libération, de nombreux jeunes témoignent de leur malaise face à cette situation. Charlotte, 14 ans, déclare par exemple : « Trop de gros lourds m’ajoutent en amis, à croire que les mecs ici ne pensent qu’au sexe. Ce n’est pas facile pour une fille de faire des rencontres sérieuses. » Tandis que Jordan, 15 ans, compte se désinscrire : « l’ambiance est malsaine. Des filles me proposent souvent des nudes, par exemple. »
…Sur https://t.co/TUT0Do3iX9, labellisé "site de rencontres ado", "pullulent, au vu de tous, des photos sans équivoque de pénis et de filles dénudées" https://t.co/CZoXsreTBe
— Aude Lorriaux (@audelorriaux) February 26, 2019
Quelques outils de vérification
Malgré l’échec de certains sites à limiter les échanges entre personnes mineures et majeures – Rencontre-ados.net avait notamment tenté, il y a quelques années, d’interdire les « ajouts en amis » si la personne en question avait cinq ans de plus que celle qu’elle souhaitait contacter ; avant d’abandonner car les utilisateurs, se sentant infantilisés, avaient crié au scandale – certains outils de vérification d’identité ont été mis en place : « la possibilité de bloquer ou signaler un profil, des mises en garde écrites, mais aussi des ‘fake détecteurs’ qui permettent de rechercher la photo d’une personne sur Google pour voir si elle a déjà été utilisée » ou encore un système de badges « ado vérifié » et « fake potentiel ».
Mais cela ne suffit pas. L’association e-Enfance appelle à une plus grande sensibilisation des jeunes et demande aux gérants des sites de « prendre leurs responsabilités » afin de rendre leurs plateformes plus sûres pour le jeune public qui les côtoie.
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