Un pot-pourri des productions Pixar, non dénué d’habileté mais un peu vide d’enjeux.
Par quelles voies, à quel seuil, l’imitateur, dans son geste, fait-il acte de création ? L’interrogation cerne la totalité de l’œuvre de Michel Hazanavicius. Tout au long de sa carrière, le réalisateur d’OSS 117 et du Redoutable n’a jamais créé ex nihilo. Chaque film (et peut-être même The Search, visant très loin à l’horizon Full Metal Jacket) est toujours construit en dialogue avec une œuvre préexistante.
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Que ce soit sur le mode de l’hommage, du pastiche ou de la parodie, le réalisateur réécrit, détourne, reproduit les images de ceux qui l’ont précédé (Godard, Donen, la saga James Bond) pour en livrer des digests, plus ou moins rutilants, plus ou moins ironiques.
Trouvailles puisées ailleurs
Lors du procès de Guy Ribes, l’un des plus célèbres faussaires de l’histoire de la peinture, le tribunal, tout en le condamnant, reconnaissait le travail d’un artisan dont la technicité et la sensibilité du coup de pinceau pouvaient l’élever à son tour au rang de créateur. Atteindre une telle précision mimétique de la copie, l’érigeant comme une œuvre à part entière, c’est ce qu’avait réussi Hazanavicius dans The Artist, meilleur film du réalisateur à ce jour, où la maniaquerie de l’antiquaire finissait par accoucher d’un peu de vie.
Neuf ans plus tard, c’est au cœur d’un empire beaucoup plus contemporain qu’Hazanavicius installe son atelier d’imitation. Un veuf, papa poule, filmé entre monde réel et univers métaphorique, le second permettant de mieux figurer la violence métaphysique du premier ; une adolescente qui remise aux oubliettes ses admirations d’enfance – ça ne vous dit rien ?
Le Prince oublié est un pot-pourri de Vice-Versa, du Monde de Nemo et de Toy Story, remix qui ne manque pas d’une certaine habileté scénaristique dans l’agencement de belles trouvailles puisées ailleurs.
Papier peint
Le film produit pourtant pas mal d’insatisfaction. Moins par cette roublardise propre à l’auteur à recycler uniquement à ses propres bénéfices (non dénuée parfois d’un affect de surplomb envers ses modèles) que par un certain défaut d’intensité dans sa relation aux images qu’il travaille.
Contrairement aux grands maniéristes (disons De Palma), où la reproduction des images des autres tient à la fois de l’obsession et de la pulsion, Hazanavicius choisit ses inspirations comme on commande un tissu d’ameublement ou du papier peint. Comme si quelque chose peinait à dépasser le stade du moodboard.
Le Prince oublié de Michel Hazanavicius, avec Omar Sy, Bérénice Bejo, François Damiens (Fr., 2019, 1h41)
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