Quels sont les films à aller voir, ou pas, ce week-end ? Pour en avoir un indice, voici l’avis de nos critiques.
Grâce à Dieu de François Ozon
Avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud
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Inutile de tergiverser puisqu’il ne s’en cache pas, bien au contraire, le nouveau film de François Ozon est une transposition sans filtre (témoignages rapportés, noms inchangés) de l’affaire Barbarin, cardinal accusé de non-dénonciation d’agressions sexuelles. On reconnaît l’attrait du cinéaste pour le coup d’éclat, mais le film ne saurait se réduire à un objet polémique. Il est en réalité tout autre. Grâce à Dieu n’a ni l’allure d’un édifiant film-dossier ni la littéralité des images télé et des articles de presse. Il est même étonnamment doux, serein. Ce qui intéresse Ozon n’est pas tant l’auscultation des douleurs de ses personnages, que l’observation hallucinée de l’hypocrisie de l’Eglise et de ses dirigeants influents, volontairement aveugles.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Marilou Duponchel
Peu m’importe si l’histoire nous considère comme des barbares de Radu Jude
Avec Ioana Iacob, Alexandru Dabija, Alexandru Bogdan
C’est une ciné-maison où l’on peut pénétrer aussi bien par la cave que par le grenier. D’autant que sa porte principale est intimidante. Un épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale : le massacre de 20 000 Juifs en 1941 à Odessa, par l’armée roumaine, alliée des nazis lors de l’invasion de l’URSS. C’est cet épisode, en partie occulté par la psyché roumaine, que Mariana veut intégrer dans un spectacle-performance sur l’histoire de son pays. Mise en scène ? Reconstitution ? Fiction ? Autant de procédés que d’aucuns estiment périlleux quand on s’approche de la représentation de l’holocauste, au risque, en effet, d’une banalisation. C’est la puissance du film d’avoir mêlé à sa terrifiante histoire des scènes domestiques censées l’apaiser : aléas des répétitions, plongées dans la vie privée de Mariana. Le tout sur un fond d’humour qui grince à hurler.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Gérard Lefort
La Liberté de Guillaume Massart
Casabianda, en Corse. Là, depuis 1948, sont essentiellement envoyés ceux que le jargon pénitencier nomme des “infracteurs sexuels intrafamiliaux” des hommes coupables d’inceste sur mineurs – soit l’un des crimes les plus infamants qui soient. Ils y purgent la fin de leurs longues peines sous un régime particulier la prison est ouverte, sans barreaux ni murailles, avec le ciel, la forêt et la mer pour seules limites. En résulte un film brut, voire brouillon, mais dont la maladresse apparente, on le comprend au fur et à mesure, va se révéler la meilleure alliée. Face à l’obscénité des certitudes, Massart oppose un salutaire tremblement. Qui ébranle. Et cette approche lui permet, par de longs échanges cathartiques, de donner un sens, concret, aux conceptions souvent abstraites de rédemption, de culpabilité et de peine (dans tous les sens du terme).
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jacky Goldberg
Le Chant du loup d’Antonin Baudry
Avec François Civil, Omar Sy, Mathieu Kassovitz
Deux submersibles nucléaires piégés en haute mer s’engagent dans un bras de fer à l’aveugle, orchestré par un compte à rebours inflexible – une heure en quasi temps réel, à partir du mitan du programme. L’action est d’une richesse et d’une complexité assez épatantes, sans dissimuler ses modèles (on a pensé à 24 heures chrono) ni même rougir à leurs côtés. Que le genre soit si éloigné des zones connues du cinéma d’ici, qu’on s’y sente toujours vaguement hésitant, que la première heure s’attarde sur des convenances scénaristiques parfois superflues (le love interest terne, l’amitié virile), bref que l’ouvrage ne soit pas sans défaut, serait une raison un peu sévère de bouder la bonne nouvelle : le paysage français se découvre un invité surprise surdoué dont l’arc commence à crouler sous les cordes.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton
Destroyer de Karyn Kusama
Avec Nicole Kidman, Toby Kebbell
Ces derniers mois sont sous le signe du baptême de feu pour Nicole Kidman. Quelques semaines après sa première apparition dans une production DC avec Aquaman, l’actrice australienne revient sur nos écrans en tant que flic dans Destroyer. Et qu’on se le dise tout de suite, l’inspectrice à qui elle prête ses traits n’est pas n’importe quel membre de la police de L.A. Les cheveux grisonnants et gras, le teint cadavérique, deux grosses valises sous les yeux comme si elle revenait tout juste du festival Burning Man, la beauté de la comédienne a été complètement sabotée. Le grimage est franchement exagéré et fait sourire mais cette autodestruction plastique, d’habitude réservée aux rôles masculins, restera le seul intérêt de ce film en tout point raté.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Ludovic Béot
Les Moissonneurs D’Etienne Kallos
Avec Brent Vermeulen, Alex Van Dyk, Juliana Venter
Le combat entre l’ange (Janno) et la bête (Pieter) se déroule sur un terrain où plus rien de vivant ne pousse, par absence de sentiments réels, d’amour. C’est là tout l’intérêt des Moissonneurs, présenté en mai dernier à Cannes dans la section “Un certain regard”. Loin de se contenter de raconter l’histoire d’un ado engoncé dans la religion et torturé par une sexualité inacceptable pour son milieu, le film se colore soudain de teintes fantastiques qu’il n’annonçait pas du tout au début. Le premier film de Kallos témoigne d’une belle imagination, fertile, elle, et prometteuse.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Jean-Baptiste Morain
La Grande Aventure Lego 2 de Mike Mitchell
Avec Chris Pratt
Si l’on s’était certes laissé séduire par le premier volet de La Grande Aventure Lego et son déchaînement de pop culture parodiée aux accents Robot Chicken, il faut bien dire qu’on avait senti dans la recette le haut risque d’écœurement. Le film n’est ni plus chargé de références, ni plus empressé, ni plus agressif envers nos rétines que son prédécesseur, et pourtant plus rien ne prend et le spectacle agace. C’est peut-être qu’on a vieilli (en cinq ans, quand même…). Ou plus probablement que la recette Lego est trop superficielle, trop inconséquente, trop éruptive pour supporter la prolongation, voire que la mode du cynisme pop et de la rodomontade méta, dont Lego et Deadpool seraient les meneurs, est une plaisanterie qui a assez duré.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton
La Chute de l’Empire américain de Denys Arcand
Avec Alexandre Landry, Maripier Morin
C’est en se présentant comme le dernier volet d’une trilogie ricaine entamée avec Le Déclin de l’Empire américain et Les Invasions barbares que LaChute de l’Empire américain trahit déjà son orgueil : il s’agira rien de moins que d’offrir à grosso modo tous les maux de l’époque (l’évasion fiscale, la misère, la prostitution de luxe, l’ignorance des masses) l’apologue complet, la fable achevée du contemporain. Évidemment, c’est autre chose : une sorte de thriller choral mou, qui jette quelques millions d’argent sale entre les mains d’un petit nobody misanthrope et nerd de littérature. Le résultat est un pensum, à moins que ça ne soit que son masque, et qu’en dessous se cache un petit polar présentable qui, en s’assumant, aurait été non seulement un film plus sympathique, mais peut-être même un bon.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Théo Ribeton
Les Funérailles des roses de Toshio Matsumoto
Avec Pîtâ, Osamu Ogasawara, Yoshio Tsuchiya
Sorti en 1969, ce grand film nébuleux, à la croisée des genres et des influences, transpose le mythe d’Œdipe dans le Tokyo en pleine effervescence culturelle des années 1960, qu’agite une révolution sexuelle souterraine, faisant du héros tragique, parricide et incestueux, une jeune drag-queen à l’énergie décapante, mais au destin funestement scellé. En plus d’éclats formalistes saisissants – le film est parsemé de réminiscences fugitives filmées en séquences elliptiques et vaporeuses – et de gags slapstick joyeusement outrés, qui digèrent un imaginaire pop et manga alors en pleine éclosion, Matsumoto adjoint à son récit une série d’entretiens réels avec des acteurs drag-queen et homosexuels, venant casser la diégèse par effet de distanciation brechtienne.
Retrouvez l’intégralité de la critique de Léo Moser
Baghdad Station de Mohamed Al Daradji
Avec Zahraa Ghandour, Ameer Jabarah
En 2006, le jour de l’exécution de Saddam Hussein, une jeune femme pénètre dans la gare centrale de Baghdad pour réaliser un attentat suicide. . Baghdad Station prend d’abord les traits du prototype du “film de scénario” qui déroule méthodiquement, studieusement son programme ne laissant que très peu d’espace à l’image et à ses comédiens pour exister. Et puis, après une heure, comme tombée en panne après une surchauffe, la machine essoufflée rend l’âme. Le film fugue de son balisage et se laisse pirater par les lueurs d’un songe. Et s’il y avait un dernier espoir ? C’est lors de cette mise à nu inattendue et naïve que le film s’éclaire et respire enfin pour quelques courtes minutes.
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