Une comédie sociale alerte sur les galères d’une psy et contre la loi du silence, avec la divine Golshifteh Farahani.
En imaginant le joyeux calvaire d’une femme psychanalyste à Tunis, que fait Manele Labidi, Franco-Tunisienne dont c’est ici le premier long métrage, sinon sonder l’inconscient d’un pays ?
Selma, cheveux en pétard, la trentaine mélancolique, revenant essorée d’un trop long séjour en France (dont on ne saura rien excepté, qu’elle y a souffert le deuil de sa mère), s’installe dans un quartier populaire de la ville où très vite sa profession attire les curieux et dénoue les langues. Chacun veut sa place non pas au soleil, mais sur le divan.
Labidi dresse un portrait turbulent de ces habitants, défilé de folklore tendre mettant au coude-à-coude la propriétaire de salon de coiffure, l’épouse bovarysant, l’ado rebelle (mèches colorées sous son voile), l’imam amoureux, le type violent… Sans pathos, la comédie de voisinage en dit souvent plus long que les discours sentencieux sur les névroses au sein des communautés humaines quand elles sont religieuses. Contre la loi du silence, Selma écoute – du bon côté du divan.
Quand elle ne doit pas batailler pour l’obtention d’un permis de travail, devant braver les rappels à l’ordre d’un flic trop zélé et une administration indolente. Grâce ou à cause de ces petites épreuves, Selma pourra peut-être dissiper ce voile de spleen qui embrume sa vie (oh l’adorable scène d’apparition du fantôme de Freud dans un désert de sable au soleil couchant).
Et en sondant l’inconscient de son héroïne, que fait la réalisatrice sinon parachever ce qu’initient tous les réals avec leurs personnages – filmer ce trajet existentiel vers la vérité et la connaissance de soi ? Jolie force méta de ce film qui, sous des dehors mignons-modestes, fait beaucoup, beaucoup de bien.
Un divan à Tunis de Manele Labidi, avec Golshifteh Farahani, Majd Mastoura, Hichem Yacoubi (Fr., 2019, 1 h 28)