Un ambitieux recueil de chansons majeures par l’ex-moitié d’Everything But The Girl.
Il y a une mélancolie particulière dont l’existence a le secret à voir les deux parties d’un couple qu’on a connu et aimé pendant notre adolescence faire chacune sa vie de son côté. Tracey Thorn a même raconté la sienne dans Bedsit Disco Queen (2013), un ouvrage qui attend toujours une traduction française. Ben Watt, son ex-partenaire au sein d’Everything But The Girl (qu’ils soient toujours ensemble à la ville est une autre histoire), poursuit comme elle une carrière solo, dont le présent Storm Damage vient infléchir légèrement la formule et discrètement épaissir l’ambition.
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Un Storm Damage fait d’inventivité aux effets distillés
Prenant le relais des guitares, c’est ici le piano qui trace une route qui serait passée par toutes les bornes de la chanson pop adulte. Ainsi s’invitent les ombres de John Lennon (l’assez spectorienne Balanced on a Wire), de Roger Hodgson (et des délicats Pearlfishers en héritiers), voire de David Gilmour, avec qui Watt avait d’ailleurs collaboré pour The Levels (2014). Au premier contact, on serait même refroidi par tant de sérieux appliqué.
La glace ne se brise qu’au bout de plusieurs écoutes. Là, sous les atours très produits des chansons, se révèle la diversité des couleurs : synthétiques sur Figures in the Landscape, limpides sur une magnifique Festival Song (évocation douce-amère d’un concert vécu dans la foule ordinaire d’une plage éclairée par les smartphones), plus tendues sur Retreat to Find.
Storm Damage est, dans tous les sens du terme, un grand disque de variété. Pour preuve, les refrains majeurs de Summer Ghosts ou de Sunlight Follows the Night. C’est pourtant à l’anxiété que se nourrit l’inspiration de ces évidences. Une anxiété que Ben Watt puise dans l’état du monde et dans les épreuves de sa vie, et qu’il noie dans la nostalgie, comme avec cette Irene qui accueille la guitare et la voix d’Alan Sparhawk (Low).
Si le son du songwriter n’a pas l’esprit d’aventure de ce bel invité, Storm Damage n’est pas exempt d’invention, d’effets distillés avec la complicité d’un Ewan Pearson jamais en démonstration de force (la voix qui change subrepticement au milieu de Knife in the Drawer), mais toujours dévoués à l’émotion. Un frisson soft-rock et blue-eyed soul traverse ce quatrième album qui, s’il n’évite pas une vague torpeur sur la durée, semble finalement contenir tout ce qui habite Ben Watt. Tout, sauf la fille.
Storm Damage Unmade Road/Caroline
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