[Hors série Cheek x Les Inrocks – Plaisir féminin] Les jeunes générations sont vernies. Au lieu d’attendre dans le salon de papa et maman LA scène de sexe dans le film du dimanche soir, elles ont aujourd’hui à leur disposition des dizaines de séries qui explorent le plaisir sous toutes ses formes.
Le petit écran s’est imposé, ces dix dernières années, comme le lieu de toutes les expérimentations en termes de représentation. Tout doucement, on y a vu plus de diversité, des corps moins normés. Les scènes de pénétration rapides où la partenaire féminine se drape les seins pudiquement avec le rebord de la couette, semblent se faire plus rares.
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L’année dernière, le Time consacrait tout un article aux showrunneuses, ces femmes qui ont porté des séries aussi différentes qu’Orange Is the New Black, Broad City, Jane the Virgin ou Crazy Ex-Girlfriend. Jill Soloway, Issa Rae, Ilana Glazer, Abbi Jacobson ou Jenji Kohan ont permis de comprendre que le public féminin n’a rien d’une audience “de niche”. Et elles ont largement agrandi l’horizon de la représentation du plaisir et du désir à l’écran.
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Démystifier la sexualité féminine
Cet âge d’or des showrunneuses a coïncidé avec l’émergence d’une nouvelle manière de représenter et de nommer le sexe dans les séries. Bien sûr, Sex and the City mettait déjà en scène, à la fin des années 1990, des héroïnes amatrices de sextoys tandis que Friends évoquait les zones érogènes de Monica. Mais ces dix dernières années, le plaisir féminin est devenu moins mystérieux à l’écran. En 2010, la saison 2 de The Good Wife marque ainsi une première “révolution”, dixit son actrice Julianna Margulies, en s’ouvrant sur une scène de cunnilingus – la toute première sur une chaîne de network. Trois ans plus tard, Masters of Sex, créée par Michelle Ashford, met en scène le travail de deux scientifiques et notamment leurs recherches menées autour de l’orgasme féminin qu’il et elle nomment et analysent. Betty Draper se masturbe sur sa machine à laver dans Mad Men, on parle clitoris et éducation sexuelle dans Orange Is the New Black… En effet, la révolution est en marche.
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Un ressort comique
Plus encore qu’à la représentation du plaisir féminin, les séries ont participé à le banaliser, notamment en mettant en scène des femmes se masturbant au quotidien. Broad City, géniale série imaginée par Ilana Glazer et Abbi Jacobson, montre l’une des deux amies en plein rituel pré-masturbatoire. Elle se met du rouge à lèvres, allume une bougie, retourne une photo de sa famille… La masturbation devient un simple rituel de self care comme un autre. Même chose dans Fleabag lorsque le personnage de Phoebe Waller-Bridge trompe l’ennui en se caressant devant une vidéo de Barack Obama. Son emblématique regard caméra semble dire au spectateur : “Et alors ?” Dans PEN15, diffusée sur Hulu et imaginée par Maya Erskine et Anna Konkle, Maya, jeune adolescente interprétée par la créatrice de 30 ans, découvre le désir en jouant avec ses figurines Mon Petit Poney. S’ensuit alors une série hilarante de plans d’elle essayant d’atteindre l’orgasme en se caressant frénétiquement. La masturbation féminine devient, comme la masturbation masculine l’est depuis des décennies, un ressort comique puissant qui redonne aux femmes le pouvoir sur leurs corps.
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Représenter tous les corps
Les séries ont aussi permis d’aborder le plaisir des femmes racisées, des personnes LGBTQ + ou grosses, et de proposer une approche politique du plaisir. Pose de Ryan Murphy met ainsi en scène des actrices trans qui se posent des questions sur leurs corps, pour certains malades, et sur leurs désirs. Dans Jane the Virgin, la grand-mère de l’héroïne, pourtant très catholique et conservatrice, s’achète un sextoy et se lance dans des conversations trop rares et très ouvertes sur sa libido et l’évolution de son désir postménopause. Issa Rae expliquait, en 2017 à Glamour, l’importance capitale dans Insecure de la scène où elle se masturbe. “Je ne vois pas assez de femmes se masturber à la télévision, expliquait-elle. Et encore moins des femmes noires !” L’enjeu du désir de toutes les femmes se pose aujourd’hui.
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Briser les tabous
Les séries ont aussi permis ces dernières années de briser des tabous autour de différents sujets liés au plaisir et encore très peu traités dans les médias. L’asexualité dans la série animée BoJack Horseman n’en est qu’un exemple. On peut aussi citer la géniale Rachel Bloom qui a évoqué les rapports sexuels pendant les règles dans sa série musicale Crazy Ex-Girlfriend. Ou la saison 3 de Glow qui nous a montré une femme qui a peur de faire un cunnilingus à sa partenaire. Sex Education a quant à elle évoqué le tabou du vaginisme. L’une des scènes les plus marquantes de cette dernière reste celle où Aimee se retrouve interdite quand son petit ami lui demande ce qu’elle aime au lit. Elle se lance alors dans une série d’expérimentations masturbatoires. Sans tabous et sans injonctions, elle trouve enfin comment se faire du bien. Avec le message simple qu’il faut apprendre à se connaître pour prendre son pied. C’est sûr, on est bien loin des films du dimanche soir.
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Le Hors série Cheek x Les Inrocks « Plaisir féminin » sera disponible en kiosque à partir du 7 février
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