Par rapport au spectacle originel, donné à Rome en novembre dernier, où des comédiens disaient le texte de Baricco pendant que les deux membres de Air tressaient en direct une musique ténue (guitares et claviers uniquement), le rapport de force s’inverse complètement pour cette version studio de City Reading. Il n’y a plus qu’un seul […]
Par rapport au spectacle originel, donné à Rome en novembre dernier, où des comédiens disaient le texte de Baricco pendant que les deux membres de Air tressaient en direct une musique ténue (guitares et claviers uniquement), le rapport de force s’inverse complètement pour cette version studio de City Reading. Il n’y a plus qu’un seul récitant (Baricco lui-même, avec sa voix grave et envoûtante de Leonard Cohen transalpin) tandis que la musique de Air s’est dans le même temps considérablement étoffée, apportant à cet exercice de spoken word un peu aride le volume nécessaire pour en justifier l’intérêt.
Soyons toutefois prévenus : à défaut d’être italophone, mieux vaut s’accrocher fermement au texte traduit dans le livret, l’écoute seule s’avérant très vite une insolite et pénible expérience aux frontières de l’hypnose. Divisé en trois histoires ayant pour sujet un regard biaisé et métaphysique porté sur la mythologie du western (une spécialité italienne), City Reading démarre par le plus abordable des volets du triptyque, Bird, soutenu par un enchevêtrement remarquable de guitares folk et de sonorités postindustrielles, filtrées selon la recette désormais classique de Air en une espèce de brumisation atmosphérique qui sied particulièrement bien au projet.
Loin des poncifs attendus, Air échappe aux carcans habituels de la musique de commande pour, comme sur Virgin Suicides, renouveler son vocabulaire tout en demeurant à 100 % lui-même. C’est particulièrement sensible sur La Puttana di Closing Town, qui démarre par une musique de thriller SF façon John Carpenter, pour évoluer en véritable rêverie sonore appuyée par une flûte et diverses textures subaquatiques, redevables cette fois à François de Roubaix. Plus tendue et minimale, la troisième partie, Caccia all’uomo, aligne successivement un piano et une contrebasse, des arpèges languides, un souffle venteux, des orgues tubulaires et un bruit incongru de percolateur, ainsi que des passages sans musique car la voix, neutre et dépassionnée, demeure le point central de ce disque trouble et singulier.