Le collectif des vacataires de Paris Musées s’est réuni ce lundi 3 février devant l’Hôtel de ville pour dénoncer la précarité de leurs contrats : droit au chômage quasi inexistant, salaire versé en retard, et délai de carence avant réembauche…
“Paris Musées : les précaires sur le pavé”. Ce lundi 3 février, une grande banderole blanche aux lettres capitales noires est accrochée aux barrières du parvis de l’Hôtel de ville de Paris. Une quarantaine de personnes y sont réunies à l’initiative du collectif des vacataires de Paris Musées, qui gère les musées de Paris. Ces agents d’accueil ou de surveillance, dont les contrats de travail ne dépassent pas les six mois, se mobilisent pour dénoncer leurs conditions de travail. Ils ont été rejoints en renfort par l’intersyndicale de la Ville de Paris.
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Et on enchaine avec la grève des @MuseeParis ! Devant la mairie pic.twitter.com/r1HQZ4jTRh
— Thomas Luquet (@Thomas_Luquet) February 3, 2020
“Tu n’as quasiment aucun droit quand tu es vacataire”, explique Lise, dont le contrat s’est terminé la semaine dernière. Les vacataires n’ont pas de mutuelle, pas de congés payés, pas de prime, ne peuvent pas renouveler leurs contrats sans attendre un délai de carence de plusieurs mois et, spécificité de Paris Musées, ils touchent leur salaire avec un mois de retard – c’est-à-dire qu’ils doivent attendre deux mois pour toucher leur premier salaire. “En plus, avec la nouvelle réforme, on n’aura pas le droit au chômage puisqu’il faut avoir travaillé au moins six mois pour toucher quelque chose”, éclaire Lise, en soulignant que la durée des contrats de vacataires n’excède que rarement les quatre mois.
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Le collectif, en grève depuis le 5 décembre, porte plusieurs revendications : le prolongement des contrats à six mois minimum, la requalification en CDD, et la titularisation. Ce n’est pas la première fois qu’ils manifestent, samedi dernier, ils ont également occupé le parvis de l’Hôtel de ville en compagnie des vacataires du conservatoire de Paris, des bibliothèques municipales, et des universitaires. “On ne peut pas accepter de faire fonctionner le service public avec des contrats si précaires”, s’insurge Danielle Simonnet. La députée LFI du 20e arrondissement de Paris et candidate à la mairie a pris une pause du conseil municipal pour venir soutenir la mobilisation et poser avec des membres du collectif.
Alors que Macron casse nos retraites, après avoir cassé le code du travail et asphyxié les collectivités, Hidalgo impose une précarité au cœur même du service public de Paris Musée ! Soutien à leur grève pour la titularisation et contre leur invisibilisation! @MuseeParis pic.twitter.com/vIpZgjSkDH
— Danielle Simonnet (@SimonnetDeputee) February 3, 2020
Formation inexistante et sexisme ordinaire
Sur le parvis de la mairie, Dalila, vacataire au Musée d’art moderne, prend la parole. Micro à la main, elle annonce être “en colère, mais déterminée. Nous ne voulons plus être considérés comme des bouche-trous. On veut le nivellement par le haut, pas des miettes !”
Ce mépris pour les vacataires, Romain et Alexandra* l’ont vécu. Cette dernière raconte qu’à son embauche, elle devait travailler les mardis et les jeudis. Lors de sa prise de poste, on lui annonce que ses jours ont été changés sans sa consultation. En plus d’un sentiment d’ingratitude, “c’est compliqué pour jongler avec ses cours”, assure-t-elle.
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“J’ai appris certaines procédures de sécurité au bout de deux mois”, pointe du doigt Romain, vacataire au Musée d’art moderne. Embauché en renfort des agents de sécurité, il doit s’occuper des points de contrôle Vigipirate. Sauf qu’il n’a eu aucune formation à ce sujet. “Le premier jour, on nous a fait un tour du musée à 40 en 15-20 minutes. C’est tout. Ca pose un vrai problème en matière de sécurité.”
Les vacataires n’ont pas accès aux uniformes que portent pourtant les titulaires de Paris Musées. Ils doivent donc se vêtir eux-mêmes. “La seule fois où j’ai mis une robe noire, mon supérieur m’a clairement fait savoir que je ne pouvais pas revenir travailler avec”, témoigne Alexandra. Une “scène de sexisme ordinaire latent”, comme elle la décrit, parmi tant d’autres, les vacataires étant plus vulnérables par leur situation de précarité. “En réponse, on nous a dit qu’on allait nous donner des badges Paris Musée pour pouvoir être identifiables. C’est du foutage de gueule”, s’insurge Alexandra.
Toléré si exceptionnel
Le recours aux contrats de vacataires dans la fonction publique est toléré si exceptionnel, mais la pratique s’est généralisée. Dans les musées parisiens, le collectif estime que les vacataires représentent environ 40 % du personnel, parfois plus. Au Petit Palais, par exemple, Alexandra se rappelle que lors d’une exposition temporaire, ils étaient une quarantaine sur une équipe de 70 personnes.
De son côté, Paris Musées justifie l’emploi de ces contrats en soulignant le côté éphémère des expositions temporaires. “C’est pas vraiment saisonnier, puisqu’il y a tout le temps des expositions temporaires, ça fait partie de la programmation culturelle. Parfois il y a même plusieurs expositions temporaires au sein d’un même musée !”, réplique Alexandra.
La jeune femme a commencé son contrat à temps partiel, histoire d’avoir un revenu pour rester à Paris et préparer ses concours de conservatrice de patrimoine. “C’est compliqué de se mobiliser, parce qu’on est payé à l’heure, et qu’on ne veut pas forcément se faire griller pour pouvoir revenir à la prochaine saison culturelle”, fait-elle valoir. Pour Romain, la vacation représente sa seule source de revenus après avoir enchaîné les périodes de chômage et d’intérim. “On nous apprend qu’il y a un délai d’un mois pour qu’on touche notre paie à l’entretien d’embauche ! Ca m’a foutu la rage. J’ai dû trouver de l’argent à droite à gauche pour pouvoir payer mon loyer les deux premiers mois”, raconte-t-il. “On essaie de faire croire que les vacataires sont surtout des étudiants qui font ça en complément. Mais en réalité, on est beaucoup à en vivre.”
* Prénom modifié à la demande de la personne
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