Ragnarok invoque le folklore scandinave à l’heure de l’urgence écologique mais peine à manier le registre fantastique.
Si les divinités nordiques posaient les pieds sur la Terre d’aujourd’hui, retrouveraient-elles leurs fjords immaculés et leurs récifs scintillants ? Elles risqueraient plutôt de tomber sur des eaux polluées et des glaciers branlants…
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Connu pour avoir créé la série Borgen, le scénariste danois Adam Price met le cap sur la Norvège septentrionale et consacre la région comme un avant-poste de l’humanité face au désastre écologique en cours. Lorsque Magne, Laurits et leur mère emménagent dans la ville fictive d’Edda, une série de phénomènes climatiques semble s’agencer pour annoncer le Jugement dernier, jadis envisagé comme une guerre entre les géants et les dieux. Jeune homme introverti et maladroit, le premier se découvre des facultés physiques hors du commun et attire l’attention d’une famille de notables locaux aux secrets inavouables.
Des danses saphiques sorties d’un mauvais trip 80’s
En opposant à une caste d’industriels cyniques – les géants – des dieux adolescents sensibles aux maux que leurs aînés infligent à la nature, Ragnarok prend acte de la conscience écologique accrue des jeunes générations mais aussi de leur force réelle : entre une lycéenne activiste et un héros idéaliste moqué pour son comportement social filtrerait presque l’aura de Greta Thunberg.
Sur le plan intime, la série se déplie comme un drame lycéen à la fois cotonneux et abrupt, dont les stases hébétées sont rompues par des éclats de violence. On pense parfois à sa concitoyenne SKAM, qui a redéfini il y a quelques années les contours des séries teen et continue de faire des émules.
C’est sur son versant fantastique que le récit se montre le moins convaincant. Si l’appréhension par Magne de ses pouvoirs comme une succession d’échelons mesurables (lancer un marteau à 541 mètres ou battre le record mondial du 100 mètres) rappelle par son pragmatisme la métamorphose du David Dunn d’Incassable de M. Night Shyamalan, l’actualisation des prodiges mythologiques atteint des sommets de ridicule : yeux rouges luisant comme des phares de bagnole, danses saphiques sorties d’un mauvais trip 80’s, transformations physiques de kermesse… Portée par une belle énergie adolescente, Ragnarok avait-elle vraiment besoin d’un folklore aussi intense pour charger la jeunesse du pouvoir d’inverser la tendance ?
Alexandre Büyükodabas
Ragnarok, d’Adam Price, avec David Stakston, Jonas Srand Gravli, Herman Tømmeraas… Disponible sur Netflix.
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}