La reconstitution vivante de la finale de Wimbledon qui, en 1980, opposa deux artistes du tennis. Une symphonie de gestes et d’affects.
Il est de bon ton de considérer le sport à la télévision comme un divertissement de masse impur, à la limite beauf. S’il est vrai que certains pourraient bien troquer le temps perdu à visionner d’obscurs matchs de Ligue 1 contre un moment passé A l’ombre des jeunes filles en fleurs de Proust, le sport à la télévision relève parfois du chef-d’œuvre. La légendaire finale de Wimbledon entre Björn Borg et John McEnroe en fait partie. En 1980, le flegmatique Suédois domine depuis plusieurs années la planète tennis. A seulement 24 ans, il est en quête d’un cinquième Wimbledon d’affilée. Sur la route du dieu viking se trouve un grand ado colérique de 21 ans. De ce choc des titans va naître l’un des plus beaux moments de sport de l’histoire.
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Bien qu’il n’échappe pas à quelques poncifs du genre, comme le mélange de souvenirs d’enfance avec les séquences de bravoure, ce Borg/McEnroe, premier film de fiction de Janus Metz, jusque-là auteur d’Armadillo, Grand Prix de la Semaine de la critique en 2010, est une belle surprise, autant pour l’excellence du duo Gudnason/LaBeouf que pour sa reconstitution vivante et immersive. Mais la véritable qualité du film se niche dans sa capacité à faire de ce match épique le théâtre d’une rencontre entre deux affects.
A l’instar de Ron Howard dans le passionnant Rush (2013), Janus Metz filme deux sportifs comme de grands artistes plutôt que comme deux rivaux avides de victoire. La barre oblique du titre a remplacé le “vs” du match. Au-delà de l’affrontement et bien qu’il s’intéresse plus à Borg qu’à McEnroe, le film montre une création, un duo entre deux rock-stars qui composent ensemble un chef-d’œuvre, une symphonie de gestes, de coups de raquette et de rebonds, une écriture spatiale de leur état émotionnel profond.
Sous cette opposition de style entre le feu et la glace, entre l’invention permanente du punk McEnroe et la régularité métronomique de l’impassible Borg se déploie une histoire d’amour indicible, une fascination partagée. Cette attirance homo-érotique trouve son paroxysme dans une sublime scène finale aux accents postcoïtaux. Après leur prestation, ils se retrouvent à l’aéroport, fatigués et heureux. On sent que rien ne sera jamais plus pareil. Deux ans plus tard, le champion suédois prendra sa retraite, usé d’avoir contenu pendant tant d’années son chaos intérieur. Véritable sujet du film, ce chaos frémissant sous l’épaisse couche de glace fait de Borg un génie aussi puissant qu’éphémère, une figure romantique et tragique, un Kurt Cobain qui aurait remplacé sa guitare par une raquette.
Borg/McEnroe de Janus Metz (Suè., 2017, 1 h 48)
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