L’arrivée d’un meunier affecté d’un étrange mal dans un village de montagne. Un premier film cocasse et poétique.
Il y a d’abord un titre qui contient tout un débordement, un déluge annoncé, de gestes, de mots ; un titre qui fait peur, un peu : qui est Cornélius, ce meunier hurlant ? Un drôle de bougre sans doute. Un type qu’on n’est pas sûr(e) de vouloir connaître. Et puis il se produit très vite d’autres phénomènes, tous un peu fous et d’essence inattendue : un générique chanté par Iggy Pop en duo avec Anaïs Demoustier, une comptine à l’intérieur du conte, un personnage de vagabond-aventurier, entre Tom Sawyer et Robinson Crusoé…
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Yann Le Quellec s’est auparavant distingué par deux moyens métrages déjà très singuliers : Je sens le beat qui monte en moi (le portrait d’une danseuse pathologique) et Le Quepa sur la Vilni !(une course cycliste qui déraille). Inspiré du roman finlandais éponyme d’Arto Paasilinna, son premier long métrage raconte l’arrivée d’un meunier dans un village de montagne et son insertion difficile parmi les habitants. Cornélius souffre en effet d’un mal étrange qui lui fait pousser des cris incontrôlables. Seule une jolie villageoise (Anaïs Demoustier) semble charmée par cette anomalie existentielle.
Cornélius ne ressemble à aucun autre film, sa folie n’appartient qu’à lui. C’est la vie d’un inadapté. Seul le burlesque a le pouvoir tout-puissant de prendre ses excentricités en charge, de les déplier à volonté en scènes drôles, absurdes, désarticulées, comme peu de cinéastes osent le faire en France depuis Tati. On pense à lui, à Chaplin, à Luc Moullet quand on voit ce Cornélius à la dinguerie assumée : son moulin ressemble à l’usine des Temps modernes. Il a l’innocence triste des clowns – et le choix du film de faire jouer le rôle par un acteur inconnu (Bonaventure Gacon), acrobate professionnel, participe de son immense liberté.
Dans ses déraillements, ses sorties de route (de cadre) constants, Cornélius peut se permettre une fable au tracé précis et lumineux. Il invite à la douceur, à la tolérance, il grimace quand s’agitent le spectre de l’exclusion, la stigmatisation, le rejet de l’autre, la peur de l’étranger… Cornélius fait du bon pain, mais il pousse des hurlements de loup-garou, cela suffit à l’envoyer en HP avant une traversée du désert…
Le Quellec construit une cohérence formelle à travers un foisonnement : on passe ainsi du conte picaresque, au film d’aventures, à la critique sociale sur fond d’asile psychiatrique, à la robinsonnade… Déambulations, gesticulations, à l’intérieur d’une esthétique toujours très tenue : c’est la promesse de ce western comique et poétique, un film rare.
Cornélius… avec Bonaventure Gacon, Anaïs Demoustier (Fr., 2017, 1 h 47)
{"type":"Banniere-Basse"}