Après une extraordinaire période de croissance le Bitcoin vit, depuis le début de l’année, un krach qui lui a fait perdre plus de la moitié de sa valeur. Pas de quoi inquiéter les 200 000 Français qui ont choisi d’investir dans cette monnaie virtuelle, au grand dam des institutions financières.
Les gains générés par les cryptomonnaies doivent être considérés comme des plus-values de « bien meubles ». La décision prise par le Conseil d’État le 26 avril a fait bondir de joie les 200 000 Français détenteurs de Bitcoin. Ce revirement de la plus haute juridiction administrative française concernant le régime fiscal appliqué depuis juillet 2014 à la cession de crypto-monnaies va avoir un impact direct sur le porte-monnaie des investisseurs en ligne. Ils ne seront plus imposés au titre de l’impôt sur le revenu (qui peut aller jusqu’à 45 %) mais à un taux forfaitaire de 19 % (auquel il faut ajouter, dans les deux cas, 17,2 % de prélèvements sociaux).
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Cette décision intervient dans un contexte de « crise » que traverse actuellement le Bitcoin et avec lui les 1 500 autres crypto-monnaies qui suivent la même courbe. Sa valeur est tombée de 16 376 € le 16 décembre 2017 à 5 480 € le 5 février 2018. Pour les néo-investisseurs, appâtés par la récente exposition médiatique de la monnaie virtuelle, ce début d’année 2018 a pris des allures de douche froide.
A l’image de Nicolas, contrôleur de gestion en région parisienne, qui s’estime « déçu » de l’expérience. Ce trentenaire a investi 1 500 euros dans le Ripple (Une autre crypto-monnaie ndlr) au mois de janvier. « Je pensais que ce serait plus stable que le Bitcoin », explique-t-il. Au cours actuel, sa moins-value dépasse les 1 000 euros soit plus de deux-tiers de son capital. « Je suis parti du principe que cet argent était sacrifié pour le test », reconnaît-il. S’il n’éprouve pas de « regret », il regrette de n’avoir pas diversifié son portefeuille, c’est à dire avoir investi tout son argent dans la même monnaie virtuelle.
« Tant que tu ne vends pas, tu ne perds pas »
Stéphane travaille lui dans l’audiovisuel. S’il a investi, il y a un an 200 euros dans le Bitcoin c’était d’abord pour « s’acheter de la weed sur le dark net ». A l’époque, le BTC évolue entre 1 000 et 1 400 euros. « Je n’ai pas dépensé tous mes bitcoins et en quelques semaines, ma mise a été démultipliée. J’ai senti que je pouvais gagner de l’argent. » Il délaisse un temps la fumette pour se renseigner et lire tout ce que lui tombe sous la main sur le sujet. Malheureusement, lorsqu’il décide d’investir 7 000 euros en Bitcoins, Ethereums & Litecoins, le cours du Bitcoin a déjà bondi à 15 000 dollars. Depuis, il ronge son frein : « A chaque petit ‘krach’, j’ai fait la connerie de revendre et j’ai donc beaucoup perdu à cause des commissions retenues à chaque fois, maugrée-t-il. Puis je me suis pris le gros krach de début d’année dans la tronche. » Résultat, la valeur de son portefeuille a été divisée par deux. « Mais je n’ai rien vendu et, comme le veut l’adage : ‘Tant que tu ne vends pas, tu ne perds pas.’«
« La règle numéro un avec le Bitcoin est simple, analyse David. N’investissez que ce que vous êtes prêts à perdre ». Fatigué des faibles rendements proposés par les services bancaires classiques (Livret A, PEL), ce trentenaire s’est petit-à-petit intéressé aux crypto-monnaies. « Très vite, je me suis rendu compte que bien d’autres monnaies existaient et progressaient plus rapidement. » Au mois de septembre dernier, il investit 750 euros dans une dizaine de monnaies différentes. A son acmé, son portefeuille a affiché un différentiel positif de 500 euros, qui a fondu à 100 euros désormais. « Je connaissais les risques, philosophe-t-il. Notre génération sature des salaires gelés, du pouvoir d’achat qui baisse. On cherche tous une porte de sortie parmi lesquelles les crypto-monnaies. »
2017, le boom du Bitcoin
La volatilité du Bitcoin est une des raisons principales de son engouement. Une sorte de ruée vers l’or du XXIe siècle, où l’on pourrait multiplier sa mise de départ par 10, 20 ou cent en un temps réduit serait possible. « En réalité, cela fait plusieurs années que le Bitcoin fait des vagues, principalement parce que ça a été la devise choisie par de nombreux hackers avec l’émergence des virus de type ransomware, nous informe Gaël. Puis on a entendu de plus en plus parler du Bitcoin début 2017, avec le documentaire Banking of Bitcoin sur Netflix. »
Le résultat saute aux yeux lorsque l’on observe un graphique du cours du Bitcoin depuis sa création. Le deuxième semestre 2017 voit la valeur du BTC grimper de façon exponentielle. Ce qui n’est pas sans danger : « Le marché est perturbé par les annonces de grands noms, raconte Khalid qui a placé 300 euros dans le Litecoin en novembre 2017. Il multiplie sa mise de départ par quatre Je suivais beaucoup les tweets de John McAffee. Dès qu’il recommandait une monnaie, celle-ci grimpait. J’ai joué le jeu jusqu’à ce que Nabilla s’exprime sur le Bitcoin. Je me suis dit : ‘Ok, ça devient dangereux. »
— John McAfee (@officialmcafee) November 25, 2017
La mise en garde du gendarme français de la bourse
Au début de l’année 2018, la star de la téléréalité s’est fait taper sur les doigts par l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour une publicité un peu trop appuyée. De manière générale, le gendarme de la bourse voit d’un mauvais œil la démocratisation des « crypto-actifs ». Le 26 avril, il a publié une note sur son site internet dont les premiers lignes donnent le ton : « Bitcoin, Ethereum, Ripple, etc. difficile de ne pas avoir entendu parler de ces nouvelles monnaies virtuelles qui sont souvent également qualifiées, à tort, de crypto-monnaies, dans la mesure où elles ne sont pas garanties par les autorités. »
#Nabilla, le #bitcoin et Warren Buffett >>https://t.co/plQlO2KWY8 pic.twitter.com/IFq5gsp0Yv
— Les Echos (@LesEchos) January 12, 2018
Une « escroquerie » pour le patron de la plus grosse banque au monde
C’est cette « idée de proposer une alternative au système bancaire actuel » qui a convaincu Serge de franchir le pas. Ce banquier croit « dur comme fer que la technologie blockchain fait partie intégrante de la troisième révolution industrielle et que de nombreux secteurs vont devoir se remettre en question. » Un constat partagé par David qui estime que les gouvernements « sont dépassés par les nouvelles technologies. » En septembre, Jamie Dimon le PDG de JPMorgan Chase – la plus grande banque du monde – a qualifié le Bitcoin d’« escroquerie » avant de se rétracter. En Suisse, il existe une « Crypto Valley » où est née l’Ether et où, chaque semaine, des dizaines de start-up voient le jour.
La plupart des personnes interrogées regrettent davantage d’avoir « loupé le coche » en n’investissant plus tôt, que la vague baissière actuelle. C’est le cas de Gaël qui a placé 1 000 euros sur le Bitcoin au début du mois de décembre. « La volatilité du Bitcoin a beaucoup effrayé, explique-t-il avant de tempérer. Depuis ces débuts, il y a presque dix ans, le cours a toujours connu d’énormes bonds et chutes. » Il reste aujourd’hui très optimiste : « Dans quelques mois, la valeur du Bitcoin dépassera son ancien pic de décembre 2017. Ce sont des cycles, auxquels les novices ne sont pas préparés ni informés, ce qui mène souvent à la revente à perte. »
Serge se veut moins radical : « Jamais dans l’histoire financière, il y a eu autant d’engouement autour d’un produit (sauf peut-être au moment de la folie autour de la tulipe) et les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. » D’autant que la diversification suit déjà son cours. Si 1 500 monnaies existent à l’heure actuelle, le développement poursuit désormais d’autres pistes. « Le bitcoin c’est l’arbre qui cache la forêt, conclut un analyste d’une banque suisse sous couvert d’anonymat. Il y a beaucoup de projets intéressant basés sur la technologie ‘blockchain' ». The beat goes on.
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