Rencontre avec Rafaela Carrasco, Andrés MarÍn ou David Coria, qui seront à la Biennale du théâtre parisien.
Après la représentation de Nacida Sombra, Rafaela Carrasco nous rejoint dans un bistrot, embrassant amis et admirateurs. Carrasco est une transfuge, enfant de Séville installée dans la capitale espagnole. Ses danseuses et musiciens regagneront l’Andalousie demain. Elle préfère Madrid. Chorégraphe et professeure, sa route a croisé celle de Mathilde Coral ou Mario Maya. Un parcours classique.
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Dans sa création, elle brosse le portrait en mouvement de quatre héroïnes du Siècle d’or espagnol. “Des femmes puissantes. María de Zayas a été une des premières à écrire sur les droits des femmes. Je ne suis pas dans une revendication féministe, la société évolue, mais il y a encore beaucoup à dire sur la vie des femmes”, lâche Rafaela.
Le flamenco traîne une réputation de machisme plus ou moins avérée. En tendant l’oreille, on recueille sans mal des histoires de danseuses ou chanteuses empêchées de se produire en public par leur compagnon. Mais le flamenco n’a pas le monopole du conservatisme.
Artistes bravaches et descendants turbulents
Sa légende est traversée d’artistes bravaches à l’image de Carmen Amaya ou Antonio Gades, révolutionnant le style de baile. Ses descendants turbulents ont pour nom Rocío Molina, Israel Galván ou Andrés Marín. “Le flamenco s’est toujours adapté aux situations qu’il a vécues”, témoigne Carrasco.
Le genre flamenca a connu des hauts et des bas. Un âge d’or jusqu’à la première moitié du XXe siècle et, plus récemment, des difficultés depuis la crise économique du pays. Ainsi, nombre de chorégraphes se lancent sans savoir s’ils décrocheront une aide et dépendent bien souvent de l’étranger pour des tournées.
Andrés Marín, star du milieu, aura répété son D. Quixote dans son studio petit format à Séville. Les trois dernières semaines, c’est au Théâtre de Chaillot, coproducteur, qu’il pourra régler lumières ou projections sur un vrai plateau ! Ce créateur est unanimement reconnu par ses pairs comme un grand. Il a travaillé avec Bartabas ou Kader Attou en France.
Pour ce Don Quichotte à sa manière, il s’entoure de la jeune garde flamenco, que ce soit en danse (Patricia Guerrero et Abel Harana) ou pour le chant (Rosario La Tremendita). Laurent Berger, collaborateur de Rodrigo Garcia et dramaturge sur ce projet, le résume en quelques mots : “Andrés n’a pas peur de démanteler les barrières de son art. Il a également traversé des solitudes.”
Andrès Marín en butte avec les aficionados du flamenco puro
Au même titre qu’un Israel Galván, Andrés Marín est vu par les aficionados comme un fossoyeur du flamenco puro. “Cela n’existe pas à mes yeux ce flamenco pur. Le flamenco vient du peuple. En le voyant se professionnaliser, les puristes ont commencé à en devenir ses détracteurs”, selon Marín.
Dans ce D. Quixote qui prend quelques distances avec le plus célèbre ouvrage de la littérature espagnole, tout y passe : le foot, la boxe, l’esprit du rock. Et la danse sauvage et sublime d’Andrés Marín. “Il y a tout dans Cervantès.” Et le soliste et chorégraphe de conclure : “J’ai besoin de me surprendre, de me réinventer à chaque fois. D’aller ailleurs, sans perdre le sens du flamenco.” Car comme la plupart des rénovateurs, Marín connaît sur le bout des lèvres le chant et l’histoire flamenca.
David Coria n’a que 34 ans, mais déjà une carrière reconnue : ce Sévillan a fait partie du Ballet national d’Espagne, de la compagnie de Rafaela Carrasco et figuré dans le film de Carlos Saura, Flamenco Hoy, avec Rocío Molina et Pastora Galván.
Espiral, qu’il présente à Chaillot, le voit dialoguer avec Ana Morales. Un spectacle tout à la fois classique dans son exploration d’un héritage dansé et actuel dans son approche faite d’architectures rythmiques tenues. “Le flamenco s’est toujours enrichi de la fusion. Lorsque certains parlent de pureté, c’est ambigu. On ne chante pas comme il y a cent ans ! Surtout, le flamenco n’est pas une structure rigide.”
A le voir répéter, on décèle une part de féminin dans sa gestuelle tout en volutes. Son zapateado est brillant, voire virtuose, mais il dégage autre chose, comme une énergie vitale et sensuelle. Pour sa prochaine pièce, il pourra compter sur une aide de la Junta de Andalucia, 12 000 euros. Une première. Pour David Coria, la danse reste un refuge au-delà “des guerres politiques” déchirant le pays. Le flamenco ne se revendique pas d’un bord ou d’un autre : sa liberté ne s’achète pas. Philippe Noisette
IIIe Biennale d’art flamenco Du 7 au 25 novembre, Théâtre de Chaillot, Paris XVIe
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