Le rythme des sorties de jeux ne faiblit pas sur la Switch qui, un peu plus d’un an après sa sortie, propose déjà plus de 600 titres sur sa boutique en ligne. On y trouve les stars « Mario », « Zelda », « Minecraft », « Splatoon » ou « FIFA », mais surtout une majorité de productions indépendantes au milieu desquelles il n’est pas forcément facile de se retrouver. On vous en a sélectionné dix, toutes parues au cours des derniers mois (et souvent disponibles aussi sur d’autres machines que la Switch).
Celeste
Matt Makes Games, 19,99€. Également disponible sur PS4, Xbox One, Mac et PC
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« Les fraises impressionnent tes amis, mais c’est tout. Ne les ramasse que si tu y tiens vraiment. » Ces fraises sont les trésors qui émaillent le monde de Celeste, l’étonnant jeu de plateforme sorti au tout début de l’année et conçu par Matt Thorson et ses complices du mini-studio canadien Matt Makes Games, déjà auteurs du remarqué Towerfall (qui arrivera lui aussi prochainement sur la Switch). Des trésors souvent particulièrement difficiles à ramasser dans des niveaux déjà bien ardus pour qui se contente de viser leur sortie, c’est-à-dire, la plupart du temps, de chercher un moyen d’aller plus haut, car Celeste est le nom de la montagne qu’escalade notre personnage, la jeune Madeline.
Dans un genre – le jeu de plateforme en 2D – où le mouvement s’opère en général de la gauche vers la droite, cet accent porté sur la verticalité est un premier signe distinctif, mais ce sont surtout les conséquences en matière d’interactions qui rendent Celeste si singulier. Une gâchette pour s’accrocher (aux parois de la montagne) et un bouton pour se projeter dans les airs (plutôt que pour simplement sauter) suffisent pour transformer radicalement notre rapport à l’espace. D’autant que de belles idées (une parmi bien d’autres : nous sommes parfois poursuivis par les doubles de notre héroïnes qui effectuent exactement les mêmes mouvements que nous un instant après) viennent régulièrement enrichir l’affaire. Alors, oui, Celeste est un jeu dur, mais, paradoxalement, il se révèle aussi très accueillant. Inutile de foncer : le secret d’une virée en montagne réussie est aussi de savoir prendre son temps. Pour nous, triompher d’un ou deux niveaux peut d’ailleurs suffire à faire d’une partie de Celeste une réussite – un accomplissement, ou au moins un bon moment. Et tant pis si cela n’impressionne pas nos amis.
Super One More Jump
Premo Games / SMG Studios, 5,59€
Autre relecture moderne du genre plateforme, l’australien Super One More Jump opte, lui, pour le minimalisme obsédant. Un seul bouton pour une seule action possible (sauter) et nous voilà lancé dans sa centaine de niveaux joyeusement retors qu’une fois réussis, on s’empresse avec gourmandise de relancer en mode miroir, nocturne ou « rotation », où les plateformes se mettent à tourner sur l’écran. S’il appartient à la très hétéroclite famille des runners dont il est un peu le Super Meat Boy – ceci est à la fois une menace et un compliment –, Super One More Jump peut aussi être abordé comme un rhythm game mutant : chaque parcours est comme une partition de mouvements à réussir dans le bon tempo. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 – dans la tête. Au soixante-quinzième essai, on y est presque. On remettra ça, bien évidemment. D’autant qu’il y a quelque chose de bizarrement réconfortant à voir augmenter à l’écran le nombre de nos tentatives inabouties. Si le jeu en conserve la trace, on se laisse aller sans hésiter au plaisir de perdre.
Another Lost Phone
Accidental Queens / Plug In Digital, 5,99€. Également disponible sur iOS, Android, Mac et PC
Parmi la multitude de jeux indépendants qui débarquent chaque semaine dans la boutique en ligne de la Switch, il en est un certain nombre qui ont débuté leur vie sur mobiles et tablettes et leur arrivée sur la console hybride de Nintendo est tout sauf une mauvaise nouvelle quand ils sont du niveau d’Old Man’s Journey ou de Nihilumbra. Ou d’Another Lost Phone, la suite spirituelle du déjà très bon A Normal Lost Phone (également présent sur la Switch) dont il reprend le principe : vous avez trouvé un téléphone perdu et, à travers son contenu, vous allez découvrir l’histoire de la personne à qui il appartient, ici une certaine Laura dont on lit les mails et les SMS, étudie les photos et épluche l’agenda, peu regardant sur sa vie privée. Si l’essentiel des énigmes consistent en apparence à trouver des mots de passe, ce sont en réalité les morceaux d’une vie que l’on cherche à recoller. Et si ce que l’on découvre relève du « problème de société », la force d’Another Lost Phone, merveille d’écriture éclatée, vient de sa manière de nous connecter avec une intimité.
Burly Men at Sea
Brain&Brain / Plug In Digital, 9,99€. Également disponible sur iOS, Android, PS4, Vita, Mac et PC
Burly Men at Sea aussi fut d’abord un jeu mobile (et PC, n’oublions pas les PC) et, comme Another Lost Phone, il brille par la forme atypique de son récit. Dans cette « aventure calme » qui est le deuxième jeu du studio américain Brain&Brain (lequel se trouve être également un couple), on dirige trois pêcheurs barbus en quête d’émotions fortes. Ou peut-être seulement d’histoires, qui finiront sur l’étagère d’un habitant du village d’où part chacune de leurs expéditions. Leur bateau sera avalé par une baleine, un géant de pierre partira leur cueillir une fleur (en fait un arbre déraciné), ils rencontreront des sirènes ou un léviathan… Dans ce livre d’images animées aussi frappantes que dépouillées, l’issue du voyage dépendra de nos choix alors même que les interactions sont limitées et, même, parfois incertaines. Mais ne pas savoir ce que l’on peut faire ni, éventuellement, ce que l’on a fait n’est pas nécessairement un défaut, bien au contraire. Mais encore faut-il avoir le (vrai) goût de l’aventure.
Rogue Aces
Infinite State Games / Curve Digital, 12,99€. Également disponible sur PS4 et Vita
Le Rogue-like (ou Rogue-lite, pour les puristes) est en vogue. Dans ces héritiers du pionnier Rogue (1980) dont ils conservent plus ou moins d’éléments, les joueurs explorent des univers générés aléatoirement et, en cas de mort de leur personnage, sont contraints de tout reprendre à zéro. Ou presque car, dans les représentants modernes du genre (comme The Binding of Isaac, Don’t Starve, Crypt of the Necrodancer ou Enter the Gungeon, tous disponibles sur la Switch), on conserve généralement quelque chose de nos tentatives avortées (des héros, des objets, des points d’expériences…) Le très britannique Rogue Aces en transpose les principes dans le registre du combat aérien et révèle au passage les liens entre le Rogue-like, avec son éternel recommencement, et les jeux d’arcade d’antan. Dans cet adorable monde en 2D où l’on joue moins à la guerre qu’aux petits avions, les mots-clés sont précision, destruction et distanciation. « Le sol est votre ennemi le plus dur », nous assure-t-on, peut-être à cause de notre étrange tendance à nous écraser (de joie ?) après chaque mission réussie. Rogue Aces est en tout cas devenu en peu de temps un très bon copain.
Flinthook
Tribute Games, 12,25€. Également disponible sur PS4, Xbox One et PC
Rogue-like encore avec Flinthook, épatante invitation à l’aventure spatiale qui, par certains aspects, rappelle un peu les Metroid 2D – mais en beaucoup plus cartoon, lumineux et coloré. Dans la peau d’un pirate de l’espace qui se trouve être aussi un chasseur de primes, on s’y lance à l’abordage de vaisseaux regorgeant de trésors comme de dangers. Notre atout principal est un grappin qui permet de se projeter en s’accrochant. En cela, le frénétique Flinthook rejoint curieusement Celeste : c’est en changeant la manière de se déplacer à l’écran et, du même coup, très concrètement, ce que nos doigts font sur la manette que le jeu se distingue et séduit. Beaucoup de choses sont à réapprendre, et réapprendre, c’est bien. On dit beaucoup que les Rogue-likes sont « addictifs ». Dans le cas de Flinthook, on préfèrera le terme « attachant ».
Shelter Generations
Might and Delight / Circle Entertainment, 19,99€
Shelter Generations rassemble deux jeux du studio suédois Might and Delight dont le style graphique divise – on aime beaucoup – déjà disponibles séparément sur Mac et PC : Shelter 2 et Paws (avec en bonus leurs bandes sons et deux essais entre le livre d’image et le conte interactif). Dans le premier, vous êtes une maman lynx qui, au fil des saisons, parcourt la forêt avec ses petits, chasse pour les nourrir, les protège des rapaces… Paws inverse la perspective : cette fois, c’est vous le bébé lynx et vous tentez de retrouver votre mère dont vous avez malencontreusement été séparé dans une aventure plus linéaire au cours de laquelle vous ferez alliance avec un petit ours. L’errance dans le monde ouvert de Shelter 2, incertaine et néanmoins marquée par un sentiment presque écrasant de responsabilité, est ce qui marque le plus dans cet étonnant diptyque à mi-chemin du walking simulator (un Proteus à hauteur de félin, disons) et du jeu de survie. Sur le tard, on se retrouve seul. L’expérience mérite d’être vécue.
Swim Out
Losange Lab, 5,99€. Également disponible sur PC, Mac, iOS et Android
Qui n’a jamais rêvé de pratiquer la natation synchronisée ? Ce n’est pas exactement ce que propose Swim Out, mais presque : tel Burt Lancaster passant de piscine en piscine dans The Swimmer de Frank Perry, on ne cesse de chercher la sortie des bassins dans lesquels nous lâche le jeu du studio messin mais, pour y parvenir, il faudra bien assimiler les mouvements des autres nageurs et, comme c’est nous l’intrus, s’y adapter. La seule issue, dans ce réjouissant puzzle game dont on ne sait pas trop s’il provoque plutôt la détente (par son ambiance, ses bruits d’eau) ou la tension (mentale : il faut tout observer, tout retenir), est de se glisser dans les rares espaces qu’ils nous laissent, car tout contact serait fatal. La progression se fait au tour par tour et il y a quelque chose de fascinant à suivre les inexorables longueurs de nos confrères nageurs. Il n’est pas du tout exclu que toute cette affaire soit en réalité profondément métaphysique.
Lode Runner Legacy
Tozai Games, 11,99€. Également disponible sur PC
Le jeu rétro a aussi trouvé sa place sur la Switch. En attendant l’arrivée de plus en plus hypothétique d’une « Console virtuelle » comparable à celles des machines précédentes de Nintendo, les éditeurs se lancent chacun de son côté et, après le gros succès des tubes de la Neo Geo (Metal Slug, King of Fighters…), c’est maintenant Sega qui s’annonce avec le label « Sega Ages » dont les premiers représentants arriveront l’été prochain. Le cas Lode Runner Legacy est différent : ici, le projet consiste en une actualisation d’un grand classique, né aux Etats-Unis en 1983 mais très vite adopté par le Japon où, au fil des années, le concept aura connu ses plus grandes mutations. Ce volet Legacy tient du retour aux sources, et pas seulement parce que son mode « classique » reprend les 150 niveaux du jeu original : si le point de vue s’est rapproché de l’action, les nouveaux défis se révèlent remarquablement fidèles à l’esprit des premiers Lode Runner. Dans cet indémodable jeu de poursuite, nos seules possibilités sont de creuser des trous (pour y faire tomber nos ennemis, à l’occasion) et de monter ou descendre des échelles. Plus, ce serait trop. Là, c’est parfait.
No Thing
Evil Indie Games, 1,99€. Également disponible sur Mac et PC
« Ce n’est pas le bon moment pour votre petit combat intérieur », nous dit-on. Et puis : « Vos chaussures brillent. » Ou bien : « La ville ne dort pas. La ville est grise. » Bienvenu dans No Thing, sans doute ce qui, à ce jour, dans la logithèque de la Switch, ressemble le plus à un jeu expérimental. Une gâchette pour tourner à droite, une autre pour choisir la gauche alors que votre personnage – un « simple » employé de bureau un peu « triste », semble-t-il – avance tout seul. Dans sa tête ? Peut-être. A l’écran : des visages (niveau 1), des immeubles (niveau 2). Et, soudain, un petit glitch (ou en tout cas quelques pixels bizarres). Mais voilà qu’on ne fait plus qu’un avec le jeu – on fusionne avec la machine, quasi. Nos tournants sont sans faute, la voix synthétique nous berce, on est in the zone. C’est merveilleux. C’est inquiétant. Tout le monde devrait essayer No Thing.
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