Producteur réputé, Myth Syzer s’affirme au micro pour chanter l’amour sur BISOUS. Et il est entouré d’un énorme casting.
Paris, 1er mars 2018. Une nuit glaciale gifle la géode du Parc de la Villette quand un filet de voix timide s’invite au milieu des câbles et des caméras : “Bonjour, vous êtes bien monsieur Hamza ?” Un selfie et soixante-quinze mercis plus tard, deux gamines d’une douzaine d’années s’effacent dans l’écho discret de ricanements embarrassés. La suite appartient à Snapchat, le tournage peut reprendre. Invité sur l’album de son pote Myth Syzer, le rappeur bruxellois distribue ses meilleurs pas de danse pour enflammer le clip de Sans toi. Avec ses références au rap du début des années 2000, son refrain enjôleur et sa cage de lumière empruntée au Rock Your Body de Justin Timberlake, la vidéo reflète la transformation de l’un des producteurs français les plus talentueux de l’époque.
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Car depuis l’été 2017, Myth Syzer chante. Les plus vigilants l’ont d’ailleurs appris par cœur dès le mois de juillet, avec la sortie d’un petit tube romantique et sucré dont les paroles collent encore au cerveau. Envoyé en éclaireur pour annoncer l’arrivée d’un ep, Le Code ouvre finalement la porte d’un projet plus ambitieux sur lequel Thomas (c’est son vrai nom) invite un casting assez fou. Monsieur Hamza donc, mais aussi Bonnie Banane, Roméo Elvis, Jok’Air, Clara d’Agar Agar, Oklou, Muddy Monk, Lolo Zouaï… Et les indéfectibles Ichon et Loveni, avec lesquels Syzer forme le groupe Bon Gamin. Des artistes qui sont pour la plupart des amis, et qui ont aidé Thomas à prendre la confiance nécessaire pour élargir sa zone de confort. Deux semaines après le tournage de Sans toi, Myth Syzer revient sur la genèse de Bisous, un album conçu comme une affaire de famille : “Je tenais à garder une ambiance familiale avec des gens que j’aime vraiment humainement. Mais j’aime aussi ce qu’ils font hein !”, tempère-t-il devant une grenadine et un café.
Itinéraire d’un enfant des années 2000
Originaire de La Roche-sur-Yon, Thomas s’installe à Paris en 2010, quelques années après s’être inspiré du morceau Mythsysizer de J Dilla pour se trouver un surnom et signer ses premières productions. “Je me faisais chier et je voulais voir ce qu’il se passait dans une grande ville. C’était un truc perso qui n’avait pas grand-chose à voir avec la musique. A un moment je voulais faire de la 3D, de l’animation. J’aimais bien le graphisme mais j’ai toujours été très loin de l’école. Que ce soit pour la musique ou la vidéo, j’ai tout appris dans ma chambre avec des logiciels et des tutos.” Pendant quelques mois, Syzer habite chez un pote d’enfance et prend ses marques dans la ville entre un taf de mécanicien et un poste de vendeur chez Chevignon. La musique et les dates de concerts prennent de plus en plus de place jusqu’à ce jour de 2013 où une grosse proposition atterrit dans sa boîte mail : “On m’a proposé un concert. C’était payé le prix de mon salaire sur le mois. Mon taf ne voulait pas me libérer. Je me suis barré et je ne suis plus jamais revenu.” Pour Myth Syzer, les concerts s’enchaînent. Le collectif Bon Gamin se structure en parallèle et son nom revient avec insistance sur les crédits des morceaux de rap en France et en Belgique. C’est notamment le cas en 2016, sur le classique Periscope de Damso.
Réputé et recherché pour ses prods qui traversent le rap francophone depuis plus de dix ans (de Joke à 13 Block), Thomas a longtemps attendu avant de prendre à son tour le micro. Il faudra quelques essais, d’abord crispés, et une rupture amoureuse pour le convaincre d’écrire la nouvelle dimension d’une carrière qu’il jugeait “incomplète”. “L’amour est un sujet qui me tenait à cœur au moment où j’ai composé l’album car je vivais une rupture. Le disque m’a aidé à passer à autre chose. Tous mes feelings, je les ai mis en flow et en mélodies avec des paroles sans doute simples… Mais quand il s’agit de musique, il faut que ça aille à l’essentiel !” Un désir d’urgence qui peut expliquer sa récente passion pour la variété française la plus désuète, comme on l’entend sur Coco Love, en featuring avec Ichon, où il sample une ritournelle chantée par le groupe Maya… lors de l’été 1987. Un comble pour cet enfant des années 2000, dont l’unique obsession au collège était de réussir à trouver ce putain d’ensemble peau de pêche dans lequel Cam’ron incarnait la seule définition acceptable du mot charisme : “Le rap du début des années 2000, c’est tout simplement la meilleure période de tous les temps. Tout était possible dans les clips. Je me prenais tout dans la gueule : G-Unit Dipset… Le charisme des mecs était juste fou. Les mecs avaient trop de style. Mais Cam’ron, pour moi, c’était le meilleur ! C’est mon modèle, le mec qui m’a donné le plus de punch. Il est légendaire.”
Au milieu des hits du disque comme Austin Power (avec Lolo Zouaï), Sans toi (avec Hamza), ou Météo (avec Oklou), Myth Syzer apparaît comme un chef d’orchestre distant, dont la présence clignote au rythme de refrains émo ou de gimmicks attrape-cœurs. Une idée du rap et de la pop qui rappelle l’époque où Stomy Bugsy ou Doc Gynéco (invité sur l’album) s’amusaient à jouer les gangsters d’amour, avec cette douce habitude de sourire à leurs blessures pour mieux transformer les doigts d’honneur en bisous. “Je pense que quand ils se disaient gangsters, c’était surtout le côté branleur qu’ils voulaient mettre en avant”, analyse Syzer. “Genre on fait des conneries, mais on est dans le love. En fait c’est ça être un gangster pour moi : être dans l’amour à mort tout en conservant ses défauts de mec un peu con, un peu frimeur. Et puis savoir se taire quand il faut.”
Bisous (Animal 63/Believe)