Situé à la frontière entre le chic quartier de Dansaert, connu pour ses boutiques de mode, et Molenbeek, le MAD, ouvert en avril 2017, est un nouveau lieu d’innovation et de soutien à la création bien décidé à faire bouger la scène design à Bruxelles. Visite à l’occasion de sa première exposition mode, un parcours pluri-disciplinaire orchestré par la marque belge OWN.
Comment faire une exposition sur une marque quand les créateurs eux-mêmes n’ont plus aucune pièce ? La première exposition mode du MAD, musée de design qui a ouvert à Bruxelles en avril 2017, se penche sur le travail de Thierry Rondenet et Hervé Yvrenogeau, fondateurs de OWN, marque de mode belge des années 1990 focalisée sur la silhouette unisexe. Comme le duo n’a rien conservé – « on voulait que les gens portent notre marque, pas que les vêtements dorment dans nos archives, » explique Thierry – il se tourne vers tous ceux qui ont acheté du OWN, ainsi qu’à des collaborateurs artistiques qui offrent une lecture contemporaine de leur travail.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le résultat est une joyeuse réunion de talents et de sensibilités, où les compositions florales de Thierry Boutemy côtoient la céramique peinte de la jeune artiste Mariam Mazmishvili. Pas de vêtements sur bustes ou mannequins, ou d’exposition « brute » des collections passées : chaque morceau de l’histoire OWN est réinterprété par un artiste d’une discipline choisie, présenté au sein d’une scénographie foisonnante où des pancartes à slogans créés pour Union pour le Vêtement, la marque du duo avant de monter OWN, côtoient une re-création d’un spectacle du chorégraphe suisse Thomas Hauert, pour lequel OWN a créé des costumes.
https://www.instagram.com/p/Bg4cxLOHOL-/?taken-by=mazmishvili.mariam
Rien n’est présenté de façon chronologique, aucune nostalgie (la marque a fermé en 2007) n’est perceptible. « Le choix de ne pas avoir de chronologie permettait de confronter et détourner le temps, explique Thierry. L’histoire est ailleurs. On ne voulait pas remontrer les looks tels qu’ils étaient, mais raconter une époque, un moment. » Et de découvrir des éléments inattendus en se repenchant sur les documents d’époque : parmi les jeunes mannequins sélectionnés pour un défilé homme de la marque OWN, on découvre sur la vidéo de défilé un Channing Tatum à la bouille encore adolescente.
Laboratoire d’innovation et incubateur de jeunes talents
Une carte blanche pluri-disciplinaire qui colle parfaitement à la philosophie du lieu, à la fois musée de design et laboratoire d’innovation : le MAD est doté d’un incubateur de jeunes designers, le MadLab, qui leur donne ateliers et matériel afin de répondre à des problématiques de design sociétal. Ses dernières réalisations : des sacs fabriqués à partir de bâches de protection des travaux sur la Grand Place, des bombers réfléchissants pour remplacer le disgracieux gilet jaune fluo (obligatoire pour les cyclistes à Bruxelles) et une fontaine d’eau potable qui se branche sur les bouches d’incendie.
« On essaie de montrer que le métier de designer n’est pas toujours de faire quelque chose de simplement esthétique. C’est aussi répondre à un cahier de charges de besoins, » explique Alexandra Lambert, directrice du MAD. On veut être un acteur de la société civile qui émet un discours sur ce qui se passe dans le monde, et tente d’apporter des solutions. Nous ce qu’on vise ce n’est pas de garder le process développé par nos designers – dans le cadre de la fontaine d’eau potable par exemple, on l’a donné à l’entreprise – mais de sensibiliser les pouvoirs publics. » Depuis le projet sur les bâches de chantier, transformés en sacs numérotés qui ont été en rupture de stock quasi immédiate – dorénavant à chaque fin de travaux publics, les bâches qui ont servi seront données aux ateliers du MAD ou livrées à des entreprises spéciales. « Le déchet de départ, la bâche, est donc transformée en ressource, » précise Alexandra Lambert.
Les actions du MAD dépassent le cadre strict de la capitale belge. Son prochain gros chantier est Europe Creative, projet de fédération européenne de la création regroupant huit pays autour des techniques et innovations dans le domaine de la mode et de la création, visant à soutenir les plus petites structures dans leur volonté d’éco-responsabilité et de projet social. « Les petits créateurs ont besoin qu’on mutualise les choses pour eux, reprend Alexandra Lambert. Ils ne peuvent pas à la fois créer, développer une entreprise, s’intéresser aux questions de durabilité, penser aux nouvelles technologies de production… Le business model est devenu super difficile aujourd’hui. » Vers une fédération européenne de la mode ?
« It’s My Own, An Everyday Fashion Story », jusqu’au 17 juin 2018 au MAD, 10 place du nouveau marché aux grains, Bruxelles, Belgique.
{"type":"Banniere-Basse"}