Depuis sa révélation comme acteur, il y a 18 huit ans, dans le culte « Freaks and Geeks », on pistait régulièrement son nom au générique de plusieurs comédies, mais plutôt comme scénariste. Il revient aujourd’hui en réalisant le merveilleux « Game Night », redorant un peu le blason terni de la comédie US. Rencontre.
On l’avait laissé, il y a 18 ans, petit Sam sur un trottoir, larme à l’oeil et joues rosies, faisant un triste salut à sa grande soeur Lindsay (Linda Cardellini), avant que ne démarre l’autocar qui allait l’emmener à la fac. John Francis Daley avait alors 15 ans (sa soeur de fiction dix de plus), et il concluait ainsi l’unique saison de Freaks and Geeks, son premier job en tant qu’acteur. Choyée par la critique, mais rejetée par le grand public, la série d’NBC peinera à clore ses arcs narratifs, avec ses dix-huit épisodes seulement, mais aura tôt fait d’acquérir un statut culte. Régulièrement cité dans les tops (par exemple des meilleures séries interrompues, ou de celles sur l’adolescence), le show conçu par Paul Feig et produit par Judd Apatow, à une époque où ces deux piliers de la comédie américaine n’étaient pratiquement personne, a fortement marqué les esprits. Et laissé une trace indélébile chez ceux, alors adolescents ou jeunes adultes, qui y ont participé : James Franco, Seth Rogen, Jason Segel, ou Martin Starr, pour ne citer que ceux qui sont par la suite devenus célèbres.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
On retrouve John Francis Daley aujourd’hui, à Los Angeles, co-réalisateur de la meilleure comédie mainstream vue depuis des lustres (Game Night). Son visage, malgré les années, n’a presque pas changé. « Bien sûr, on m’arrête encore dans la rue, pour me parler de Freaks and Geeks, nous confie-t-il. La série a été peu vue à l’époque, mais elle est aujourd’hui considérée comme classique. Grâce à ses qualités d’écriture, grâce à Paul et Judd, mais aussi par le destin de ses participants. C’est très rare pour une série. A fortiori une série qui ne s’est faite qu’avec des débutants ».
Son duo avec Jonathan Goldstein
Avant tout cela, il a grandi dans une famille « pas spécialement tournée vers le cinéma », dans l’Illinois puis l’Etat de New-York, c’est-à-dire ce Nord-Midwest dont sont issus, historiquement, les meilleurs comiques du pays — à commencer par Bill Murray, dont la mention devrait seule suffire à légitimer cette région. « C’est parce qu’on était des passionnés et qu’on avait faim qu’on a réussit, je pense. Personne ne nous poussait à être comédien : c’est quoi le voulions » se souvient le jeune homme, âgé aujourd’hui de 33 ans. John Francis Daley évoque toutefois ces années-là avec une certaine retenue, et on ne le sent pas débordant d’anecdotes la concernant. C’est que contrairement à Seth Rogen ou Jason Segel, lui n’a pas été placé, sitôt la série terminée, sous l’aile protectrice de Judd Apatow. Le maître avait ses disciples (plutôt dans la bande des freaks) et le petit geek, lui, n’en faisait pas partie. Aussi, c’est un autre mentor qui le façonna tel qu’il est aujourd’hui : Jonathan Goldstein. C’est avec lui qu’il forme une paire créative depuis plus de quinze ans et réalise aujourd’hui Game Night — deux ans après le moins convaincant Vive les vacances.
Les deux se sont rencontrés en 2001 — juste après Freaks and Geeks donc —, sur les plateaux d’une sitcom intitulée The Geena Davis Show, où Daley tentait de rebondir et sur laquelle Goldstein, était scénariste. Or ce dernier, dix-sept ans plus âgé, vit dans le jeune comédien une fibre comique et un appétit insatiable, et décida de lui apprendre son métier. Ensemble, ils commencèrent par se faire la main sur un film intitulé « L’homme qui valait 40 000$ », l’histoire du prototype pourri de « L’homme qui valait 6 milliards » interprété par… Jim Carrey. Hélas, mille fois hélas, le financement n’alla jamais au bout, et le scénario s’en retourna dans un tiroir. Après cet échec néanmoins formateur, l’écriture d’une comédie mainstream, Horrible Bosses, leur permit de sortir de l’ombre. S’en suivront les sympathiques Incroyable Burt Wonderstone (un film de prestidigitateur avec Steve Carell), Tempête de boulettes géantes 2 (qui vaut mieux que son titre), et Spiderman : Homecoming, qui replongeait l’été dernier, avec fougue, le super-héros arachnéen dans les années John Hughes.
Interrogé sur ses comédies préférées, JFD évoque tout ce qui est « à la fois malin et grotesque, à savoir Woody Allen, les Monthy Python, les ZAZ… Même si c’est très loin de ce qu’on fait ». Eux en effet se sont spécialisés dans la comédie dite « grounded », soit réaliste, les pieds sur terre (qu’a d’ailleurs remise au goût du jour Apatow). « Tout au long de l’écriture de Spiderman, on s’est demandé : et si j’étais Peter Parker, qu’est-ce que je ferais dans cette situation ? Même chose pour Game Night : ce sont les gens normaux dans un environnement exceptionnel qui nous intéressent, analyse-t-il. C’est pour ça que les gens réagissent bien à nos comédies je crois : ils s’y reconnaissent. »
Tenter de rester personnel dans les lieux les plus commerciaux du cinéma hollywoodien, ceux où l’on écrit les scénarios à huit ou douze mains, c’est ce qui guide la paire depuis ses débuts. Et c’est ce qu’ils vont à nouveau tenter de faire, cette fois-ci au service de DC Comics, pour y diriger un des spin-offs de Justice League : Flashpoint — sur le personnage joué par Ezra Miller donc, le seul à nous tenir un tant soit peu en éveil dans cette franchise boursouflée. On croyait la comédie six pieds sous terre, elle s’était juste planquée derrière un masque et des collants.
{"type":"Banniere-Basse"}