La Chine a procédé mercredi 19 avril à des manoeuvres militaires dans le détroit de Taïwan. Une opération visant à exhiber sa puissance navale, sur fond de conflit diplomatique.
Alors que Xi Jinping pourrait devenir président à vie du pays, la Chine poursuit ses opérations militaires. Cette fois-ci, c’est dans le détroit de Taïwan que la marine chinoise s’est déployée le mercredi 19 avril, comme le rapporte le New York Times. Une première depuis 2016, qui ressemble d’avantage à un avertissement pour la petite île, qu’à un véritable entrainement militaire. Les manoeuvres ont eu lieu dans un périmètre de deux kilomètres carrés, qui comprend deux îlots au large de la ville de Quanzhou, dans la province du Fujian (sud-est de la Chine). Une zone située à environ 200 kilomètres des côtes taïwanaises.
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« Protéger la souveraineté de notre patrie »
Représentant permanent de la République populaire de Chine au Conseil de sécurité des Nations unies, Liu Jieyi a affirmé que les exercices avaient été prévus en pensant à Taïwan. « Nos exercices militaires sont menés pour protéger la souveraineté de notre patrie et l’intégrité territoriale », a-t-il annoncé aux journalistes lundi 17 avril lors d’une conférence dans la ville de Zhengzhou.
La semaine dernière, les forces armées chinoises avaient déjà procédé à plusieurs exercices maritimes près de l’île de Hainan. L’occasion pour les médias chinois de partager cette impressionnante photo (voir ci-dessous) de l’une des plus grandes manoeuvres militaires du pays.
Plus de 10 000 hommes mobilisés
Pour l’ensemble de ses manoeuvres militaires, il a fallu 48 navires, 76 avions et plus de 10 000 hommes. Soit les exercices les plus importants jamais effectués par la marine de l’armée populaire, selon les médias d’État chinois.
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Le président chinois, Xi Jinping, a assisté à ces exercices à grande échelle dans la mer de Chine méridionale. Dans les médias, on a pu l’apercevoir avec un treillis militaire, observant des avions de chasse décoller du Liaoning, le premier porte-avions chinois. « La nécessité de construire une marine puissante n’a jamais été aussi urgente qu’aujourd’hui », a-t-il avancé lors d’une déclaration officielle.
Un véritable avertissement
Mais selon plusieurs spécialistes, cette opération ressemble d’avantage à de la communication. « C’est plus un défilé militaire en mer qu’autre chose », explique au New York Times Bonnie Glaser, spécialiste de l’Asie au Centre d’études stratégiques et internationales. « Mais dans le détroit de Taïwan, c’est un avertissement. (…) Les Chinois ont l’impression que les États-Unis et Taïwan se dirigent dangereusement vers les lignes rouges chinoises. »
Sheryn Lee, professeur à l’Université Macquarie de Sydney, tient à rappeler qu’il s’agit surtout d’une suite logique de la politique chinoise, et pas d’une réelle escalade de l’activité militaire. « Ils ont déjà fait ce genre d’exercices. Ils rappellent généralement à Taïwan leur présence juste à côté », affirme-t-elle au New York Times.
Taïwan a également procédé à ses propres exercices militaires sur sa côte est la semaine dernière, durant lesquels la présidente Tsai Ing-wen était présente. « Nous avons toute confiance et détermination pour défendre notre pays et notre démocratie », a-t-elle écrit sur Twitter, tout en expliquant aux journalistes qu’il ne fallait pas y voir une réponse aux manoeuvres chinoises.
Last Friday, I was proud to see our Navy & Air Force successfully perform the drills in eastern #Taiwan. We have every confidence and determination to defend our country & #democracy! pic.twitter.com/j3ynEH0XUB
— 蔡英文 Tsai Ing-wen (@iingwen) April 16, 2018
La Chine met la pression sur Taïwan
Il faut dire que les relations sont particulièrement froides ces derniers temps. Le mois dernier, Xi Jinping s’était montré très ferme sur les revendications de Taïwan, et tout aussi inflexible sur celles de Hong Kong. L’ancienne colonie britannique multiplie les appels à l’indépendance, mais le président chinois ne l’entend pas de cette façon.
Un moyen pour la Chine de renforcer la pression à l’encontre de Taïwan. D’autant plus que les États-Unis ont récemment renouvelé leur soutien à la démocratie taïwanaise, un allié de longue date. Si les exercices ont sûrement été planifiés à l’avance, ils interviennent alors que les relations entre la Chine et les États-Unis sont houleuses. Notamment à propos du commerce, puisque Donald Trump menace la Chine de 100 milliards de taxes supplémentaires sur les importations.
« Renforcer les liens avec le peuple taïwanais »
L’année dernière, Donald Trump a signé un accord pour encourager les escales mutuelles des navires de la marine américaine et taïwanaise. Et le mois dernier, le 45e président des États-Unis a officialisé le « Taïwan Travel Act », qui vise à multiplier les visites officielles de haut niveau entre les États-Unis et Taiwan. Un projet qui avait été adopté à l’unanimité par la Chambre et le Sénat américain. Et ce malgré les nombreuses critiques de la Chine.
Le sous-secrétaire d’État adjoint américain, Alex Wong, s’est rendu peu de temps après cette signature à Taïwan. Lors d’un rassemblement d’hommes d’affaires et de responsables taïwanais, il a avancé que les États-Unis entendaient « renforcer les liens avec le peuple taïwanais et renforcer la capacité de Taiwan à défendre sa démocratie ».
Une alliance stratégique
De plus, l’American Institute de Taiwan, l’ambassade des États-Unis à Taipei (capital de Taïwan), s’apprête à ouvrir un nouveau complexe de bureaux cet été. Signe de l’évolution des discussions entre les deux pays.
Par ailleurs, John R. Bolton, le nouveau conseiller en sécurité nationale de Donald Trump, soutient depuis longtemps l’idée que Taïwan et les États-Unis devraient resserrer leur alliance militaire en cas de conflit ouvert avec la Chine. Une opinion qu’il avait publiquement exprimée dans une tribune publiée par le Wall Street Journal au cours de l’année dernière.
La semaine dernière, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen niait cependant toute implication de son pays dans les tensions entre les États-Unis et la Chine. « Beaucoup de gens disent que nous sommes des pions d’autres personnes. Mais n’oublie pas, nous sommes aussi des joueurs d’échecs », affirmait-elle alors.
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