Diffusé ce mercredi 18 avril sur France 5, “Jeunesse à vendre”, une enquête sur l’engrenage dans lequel tombent de plus en plus de jeunes filles mineures.
« C’était mécanique. » Léa a 15 ans, et a commencé à se prostituer il y a deux ans déjà. Dos à la caméra, elle raconte l’engrenage dans lequel elle est tombée et comment elle a mis du temps à associer le mot « prostitution » à ses actes. Jeunesse à vendre, réalisé par Alexis Marant nous plonge sur ce marchandage de corps adolescents âgés de 13 à 15 ans.
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Avec beaucoup de sobriété et d’humilité, ce documentaire de France 5 donne la parole à ces jeunes filles issues de tous les milieux. En France, elles seraient entre 5 000 et 8 000 mineures à se prostituer, un « phénomène de grande ampleur », selon la brigade des mineurs qui constate une multiplication par six des dossiers de proxénétisme ces quatre dernières années.
Tout commence souvent par une rencontre avec un garçon, ou une amitié toxique. C’est le cas de Léa, âgée de 13 ans à l’époque, à qui sa meilleure amie promettait « la belle vie » et « l’argent ». Jusqu’à ce qu’elles fuguent ensemble et qu’elle soit victime d’un viol. « Je suis devenue une autre fille, je ne me reconnaissais plus moi-même », dit-elle.
C’est après qu’elle va commencer à mettre des annonces sur un site, encouragée par son amie. Chaque jour elle se rend dans un hôtel où elle rencontre « parfois cinq à dix » clients âgés entre 20 et 50 ans. « J’étais contente de pouvoir m’acheter mes vêtements toute seule, comme une grande », » j’étais dans un autre monde », confie-t-elle.
Obtenir de l’argent facilement pour se sentir adulte est souvent l’un des aspects qui pousse ces jeunes filles. « Au début, c’est volontaire, mais assez vite, on se rend compte qu’elles sont prises dans un engrenage », explique Armelle le Bigot-Macaux, présidente d’Agir contre la prostitution des enfants, seule association en France qui traite de la question.
« Votre fille est une pute, il faut vous y faire »
Elle raconte comment son proxénète, à peine plus âgé qu’elle, commencera à la droguer pour abuser d’elle. « Je me réveillais couverte de bleus », se souvient l’adolescente. Elle s’enfuira pour retourner chez sa mère, qui n’a jamais cessé de la chercher. Parce que c’est aussi cela que montre le documentaire, l’angoisse et le profond désarroi des parents qui ont eux-mêmes du mal à trouver de l’aide. Depuis leur maison d’une banlieue pavillonnaire parisienne, les parents d’Océane, 15 ans, continuent d’essayer de retrouver leur fille en scrutant les sites d’annonces de prostituées.
Au départ, la plupart croient à une banale crise d’ado lorsqu’ils assistent au changement de look de leur enfant et à un certain repli sur soi. Jusqu’aux disparitions. « Ecoutez, elle est partie volontairement, on ne peut pas faire grand-chose », répond un agent de police lorsque la mère d’Inès, 15 ans, vient signaler une fugue. Elle met un mouchard dans le téléphone de sa fille, et apporte des preuves de sa prostitution à la police qui lui répond : « Votre fille est une pute, il faut vous y faire. » Comment expliquer alors une telle inertie ? En France, la prostitution n’est pas un délit, seuls les clients sont pénalisés depuis la loi du 13 avril 2016.
Pour Hélène David, directrice adjointe de l’association Charonne, sont en cause une société hyper-sexualisée et le pouvoir des réseaux sociaux. « Nous avons besoin d’une culture qui valorise les jeunes adolescentes et au niveau des valeurs qu’on leur propose il faut qu’elles soient valorisées par d’autres choses que par leur cul, leurs seins, et leur sexe », insiste-t-elle. Quelques temps après être rentrées dans leur famille respective, Léa et Océane ont recommencé à se prostituer. Léa, qui parle d’une « tentation » très forte a disparu le jour de sa rentrée au collège. Océane, elle, est pour l’instant revenue chez sa famille.
Jeunesse à vendre, à 20h55 sur France 5, le mercredi 18 avril, et disponible en replay.
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