Quand Will Sheff et son nouveau groupe lâchent la bride à leurs envies de groove, le résultat est un disque buissonnier et brillant.
“Certains fans voudraient que je reste un type sérieux qui fait du folk, mais je préfère groover en bonne compagnie”, disait Will Sheff à l’époque de The Silver Gymnasium. Il faut dire que, malgré de fréquentes montées de sève aux effluves pulpiennes, le songwriter ne nous aidait pas à le voir ainsi en signant des chansons-fleuves lettrées comme des romans gothiques et délicates comme la pluie sur le récent Away. Parmi les nombreuses histoires que raconte Okkervil River se cache donc celle d’un coming-out régulièrement raté.
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In the Rainbow Rain se pose comme l’ultime sortie du placard, avec ses assumés solos de guitare, de claviers vintage, et même de saxos biaisés qui débarquent comme une farce extatique (The Dream and the Light, épique, impardonnable, délicieux). Criard et drôle, cet étonnant disque est aussi fouineur et gourmand, et va jusqu’à aborder les terres ensoleillées du ragtime et du calypso sur le succulent External Actor.
Pour le reste, on y entend Will Sheff, avec sa nouvelle formation décidément pleine de ressources, arborer pleinement (Shelter Song et beaucoup d’autres) une couleur blue-eyed soul jusqu’alors discrète. Le résultat est assez proche, sur un versant plus seventies et chaleureux, du brillant exercice en synth-pop eighties de MGMT : la liqueur Love Somebody pourrait sortir de Little Dark Age.
La récréation de Will Sheff
L’incorrigible Sheff ne faisant rien comme tout le monde, il ouvre ce feel-good record sur une chanson mélancolique et encyclopédique à propos des trachéotomies subies par des célébrités aussi diverses que Gary Coleman d’Arnold et Willy, la Motown Queen Mary Wells, le poète Dylan Thomas, et un Ray Davies dont il reprend décidément le flambeau. Au chapitre des parrains on pensera aussi à Paddy McAloon, Family Song ressemblant à s’y méprendre à un inédit de Prefab Sprout.
Au beau milieu de ces références et de ces escapades récréatives, il reste chez Will Sheff une invariable et précieuse qualité : celle de faire sonner pop des mots de plus de trois syllabes. C’est Abba chantant Dostoïevski, ou presque : c’est le trésor au pied de l’arc-en-ciel.
In The Rainbow Rain (Ato/Pias Coop)
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