Nouveau rebondissement dans la bisbille qui oppose Thierry Frémaux et le festival de Cannes à Ted Sarandos et Netflix. Suite au boycott de Netflix retirant ses films du festival, Beatrice Welles défend le travail de son père pour éviter qu’il soit à nouveau « détruit ».
Probablement pour éviter la polémique qu’avait suscité la sélection en compétition de deux films Netflix (Okja, The Meyerowitz Stories), Thierry Frémaux a décidé de sévir. Désormais, aucun film non distribué en salles en France ne pourra être sélectionné au Festival de Cannes. Se sentant évidemment visé, Ted Sarrandos, responsable des contenus de Netflix, a pris la décision de boycotter le festival, retirant ses films de la sélection.
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Netflix boycott Cannes
Dans l’interview qu’il accordait à Variety mercredi 11 avril, Ted Sarrandos estimait que reléguer tous les films estampillés Netflix en hors compétition pourrait être perçu comme un « manque de respect » envers les réalisateurs. « Le festival a choisi de célébrer la distribution plutôt que l’art cinématographique » argue-t-il en précisant que c’est le seul au monde à faire pareil discrimination. Lui penserait « au futur » alors que Cannes serait pour le moment « coincé dans l’histoire du cinéma« .
Exit donc les prochains films attendus d’Alfonso Cuarón, Paul Greengrass, Jeremy Saulnier ou Morgan Neville dont le documentaire sur Orson Welles (They’ll Love When I’m Dead) accompagnait la restauration et finition de son célèbre film inachevé : The Other Side of the Wind. Netflix s’est justement occupé de la post-production de cette œuvre maudite qui aurait du faire sa première mondiale dans le Grand Théâtre Lumière. Mais la décision de Sarrandos est tranchée : pas de favoritisme, Welles prendra également la porte de sortie.
Seulement, Netflix ou pas, The Other Side of the Wind aurait sans aucun doute été placé en Hors Compétition ou en séance spéciale. Si la décision de Sarandos concernant les autres films peut se comprendre, elle reste plus discutable pour celui-ci…
© Matt Baron / BEI / Shutterstock
Au nom du père
Apprenant la volte-face, Beatrice Welles, la fille du cinéaste, monte au créneau dans un email adressé à Sarandos que Variety a pu, en partie, se procurer. Elle fait part de sa crainte : « j’ai vu comment les grosses maisons de productions avaient détruit sa vie, son travail et un petit peu de l’homme que j’aimais tant. Je ne pourrai supporter que Netflix devienne comme ces entreprises » et supplie Sarandos de revenir sur sa décision pour que « le travail de son père soit le point de ralliement entre Netflix et Cannes« .
Car si ses projets ont été escamotés par les studios, Orson Welles a nourri une histoire fructueuse avec le Festival de Cannes. Un peu avant la création de la Palme d’Or, il a remporté le Grand Prix en 1952 pour son adaptation d’Othello et le prix d’interprétation en 1959 pour son interprétation dans Le Génie du mal de Richard Fleischer.
Sa fille n’est pas la seule à regretter son absence. Lors de la conférence de presse, Thierry Frémaux a rappelé qu’Orson Welles avait été président du jury et que The Other Side of the Wind « avait sa place à Cannes« .
#Cannes2018 et #Netflix : à propos de The Other Side of the Wind – Frémaux rappelle qu’Orson Welles a été président puis membre du jury, et gagné la Palme d’or avec Othello « La place de ce film était à Cannes »
— Caroline Besse (@Caroline_Besse) 12 avril 2018
Une défaite pour tout le monde«
La décision provoque également la stupéfaction du producteur Filip Jan Rymsza alors que son équipe « a lutté longtemps et difficilement » pour que le film se fraye une place à Cannes en Hors Compétition. L’annulation de sa venue est « une défaite pour tout le monde : Cannes, Netflix, les cinéphiles et tous ceux qui ont travaillé si durement à cet effort historique« , explique-t-il.
Bien sûr la remise en route du projet n’aurait pas été possible sans Netflix, mais la déception n’en demeure pas moins immense. Surtout que le film propose un regard acéré sur le système hollywoodien. Interviewé en février 1969 par Peter Bogdanovich, Orson Welles précisait les origines de ce projet avant de s’embourber dans un long tournage inachevé (1970 – 1976) : « c’est l’histoire d’un vieux réalisateur et de son dernier boulot. Ça parle d’un gros macho au torse velu, basé sur John Ford, avec un zeste d’Huston et d’Hemingway« .
Une boucle qui se boucle donc puisque The Other Side of the Wind s’ouvre sur la mort de son personnage tout comme Citizen Kane. À l’instar de ce premier film, il adopte également une forme de narration hybride où l’on croise John Huston dans le rôle titre, Norman Foster, Dennis Hopper ou encore la dernière compagne du cinéaste, Oja Koda. « Ce n’est qu’à 20 ans puis à 70 ou 80 ans, que l’on fait les plus belles œuvres. {…} Ce sont les vieux et les jeunes qui font les grandes choses » déclarait-il.
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