La sociologie satirique des Jaoui-Bacri à bout de souffle.
Il y a chez le binôme Bacri-Jaoui un talent indéniable pour l’observation sociale, les punchlines qui frappent et font rire, les notations justes sur la comédie humaine contemporaine, tout cela allié à un talent d’égal niveau pour le jeu et la direction d’acteurs, autant de qualités que l’on retrouve dans Place publique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Cette “place publique” est d’ailleurs plutôt privée puisqu’il s’agit de la pendaison de crémaillère de la maison de campagne d’une productrice télé en vue, où se retrouvent personnalités du PAF (Bacri évidemment désopilant en mix d’Ardisson et Ruquier imbu de lui-même), famille, amis, jeunes énergiques, quinquas désabusés, ainsi que petit personnel et paysans fâchés du coin.
Sur le canevas éternel de La Règle du jeu, Agnès Jaoui dépeint le moment actuel de la société française, prise entre crise économique, fractures multiples (sociale, générationnelle, ethnique…), désillusion politique (surtout de gauche) et montée en puissance des réseaux sociaux qui exacerbent l’individualisme et le narcissisme. Ce petit théâtre boulevardier haut de gamme dispense ses moments plaisants mais revêt le défaut de nous parvenir quelques mois après Le Sens de la fête (déjà avec Bacri) qui labourait le même terreau comico-sociétal, versant macrono-centriste chez Nakache-Toledano alors que Jaoui serait plutôt d’obédience social-démocrate désenchantée. Passer après le gros succès de leurs collègues selon la même règle des trois unités amoindrit mécaniquement la force de ce film.
Mais le problème est peut-être plus profond : malgré le brio de surface, la manière Bacri-Jaoui commence à accuser quelques rides. L’âge joue aussi peut-être sur la note sombre qui sous-tend le film, Jaoui semblant entériner amèrement la victoire du cynisme sur la croyance idéaliste. On a connu comédies plus galvanisantes que ce constat résigné où le pessimisme de la lucidité prend le pas sur l’optimisme de la volonté.
Place publique d’Agnès Jaoui Avec elle-même, Jean-Pierre Bacri, Léa Drucker, Kevin Azaïs, Helena Noguerra (Fr., 2017, 1 h 38)
{"type":"Banniere-Basse"}