Comment compte-elle faire passer sa loi ? D’où vient-elle ? Qui est-elle vraiment ? Dans un reportage publié jeudi 12 avril, « Envoyé Spécial » a enquêté sur les différents visages de la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes.
Il ne se passe pas une semaine sans que l’on parle d’elle. A seulement 35 ans, Marlène Schiappa est certainement l’une des membres du gouvernement les plus visibles sur la scène médiatique. Inconnue du grand public il y a encore un an, le secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes ambitionne de changer la société avec sa loi contre les violences sexuelles dans un contexte de libération de la parole des femmes depuis l’onde de choc de l’affaire Weinstein. Les équipes d’Envoyé Spécial l’ont suivie au plus près pour enquêter sur ses différentes facettes. Résultat : Marlène Schiappa, l’ambitieuse, un portrait corrosif qui sera diffusé jeudi 12 avril sur France 2.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Depuis sa nomination, l’élue impose son style. Exit les associations féministes : à la place, Marlène Schiappa invite régulièrement des entrepreneuses, des startupeuses, et des amis élues auprès de qui elle teste les mesures du gouvernement. Dîner, vin, bises et selfies, l’ambiance est plutôt décontractée pour débattre de l’outrage sexiste et du congé maternité. « Autrefois, nous étions en contact permanent avec les cabinets des ministres en charge des droits des femmes. Et oui, ça a changé », explique Marilyn Baldeck, déléguée générale de l’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) qui accompagne judiciairement les femmes devant les tribunaux. « Nous n’avons plus de moments d’échanges », ajoute-t-elle simplement. Pour Caroline de Haas, fondatrice du collectif féministe « le groupe F « , Marlène Schiappa « considère que la plupart des associations sont dépassées, appartiennent à l’ancien temps que c’est à travers des associations de blogueuses, de femmes cheffes d’entreprises, qu’on réussira à faire bouger la société. »
La gestion de l’affaire Hulot
Si la secrétaire d’État est très présente médiatiquement, elle s’est fait plus discrète au moment de l’affaire Nicolas Hulot, rattrapé au début du mois de février par une ancienne affaire de violences sexuelles prescrite, et pour lequel le ministre de l’Écologie a bénéficié d’un non-lieu. Et pour Emmanuel Macron, la loyauté au sein du gouvernement reste primordiale. Alors les caméras de France 2 rapportent une scène assez inédite.
Dans le secret du bureau de Marlène Schiappa lorsqu'elle préparait sa réaction aux accusations de harcèlement sexuel contre Nicolas Hulot.
Un reportage dans les coulisses à suivre dans @EnvoyeSpecial. pic.twitter.com/CJ4LYHvtZ9— Brut FR (@brutofficiel) April 12, 2018
Marlène Schiappa est entourée de ses deux conseillers qui lui expliquent que son silence « commence à se voir » et « va être compliqué à tenir ». « Vous n’avez pas l’impression d’être dans un numéro d’équilibriste intenable ? » demande la journaliste à l’intéressée qui répond du tac au tac : « Je ne vois pas ce que je peux dire d’utile, là, sur Nicolas Hulot. » La stratégie décidée consiste, finalement, en une mise en scène où elle sortira de l’Assemblée nationale aux côtés du ministre de l’Écologie devant les caméras. Un symbole fort qui ne nécessite donc aucune prise de parole. Mais quelques jours après, la benjamine du gouvernement s’exprime et dénonce dans une tribune au JDD « les accusateurs de Nicolas Hulot » qui « bafouent la parole des femmes ». Un texte qui déclencha la colère des féministes, lui reprochant de remettre en cause cette parole.
En réalité, Marlène Schiappa, la politique, elle a toujours baigné dedans, loin de celle néo-libérale d’Emmanuel Macron. Son père, l’historien Jean-Marc Schiappa, libertaire et très à gauche, s’oppose fermement à l’Église et aux bourgeois. On apprend qu’il n’hésitait pas à renommer « Marx » ou encore « Lénine », les poupées de sa fille. Sa passion pour l’écriture, son réseau « Maman travaille », son arrivée au Mans, et ses premiers pas d’autodidacte en politique, tout est passé ici au crible. Mais c’est un visage moins angélique qui retient particulièrement l’attention.
« Elle a du mal avec la moindre contestation »
Celui de la politicienne qui n’hésite pas à taper du poing sur la table. Un élu socialiste de la mairie du Mans parle même « d’accès de colère » : « Elle a du mal avec la moindre contestation (…) elle a transformé le mouvement ici avec un mélange entre un clan corse et un fan club. » Des accusations que Marlène Schiappa balaie d’un revers de main :
« On n’est pas chez les Bisounours ! Et quand on veut amener un candidat à la présidence de la République à entrer à l’Élysée (…) on n’est pas un club, une association, ou une amicale de boulistes locale. »
Alors les équipes d’Envoyé Spécial vont à la rencontre de Sylvie Tolmont, la suppléante socialiste de Stéphane Le Foll, qui a eu un vif accrochage en décembre dernier avec Marlène Schiappa. Tout est parti d’un tweet en hommage à l’école publique de la secrétaire d’État où elle écrit : « L’école publique laïque, c’est la possibilité de se confronter à d’autres milieux que le sien, la mixité sociale et mixité filles/garçons », Iannis Roder #Laicité. Et un élu du Mans répond à son tour : « C’est pour cela que Marlène a mis ses filles à l’école saint … du Mans. Vive la laïcité pour les autres » en donnant le nom de l’école. Un post liké sur Twitter par Sylvie Tolmont. A ce moment-là, les enfants de la secrétaire d’État ne sont plus scolarisés dans cette école, précisent les journalistes.
« Quelques instants après j’ai reçu un message de Madame Schiappa », détaille la députée de la Sarthe qui le montre et le lit à la caméra : « […] Tu n’as jamais été capable d’en avoir toi-même donc peut être ne sais tu pas que c’est un principe de vie. On ne touche pas aux enfants. Je saurai m’en souvenir en tout lieu et en tout temps ». Visiblement choquée, Sylvie Tolmont dénonce une « atteinte à ce qu’il y a de plus intimes chez une femme : mon incapacité supposée à être mère. » Des propos d’autant plus durs qu’ils viennent de la secrétaire d’État chargée de l’égalité femmes-hommes qui espère changer la vie des femmes…
« Marlène Schiappa, l’ambitieuse », par Envoyé Spécial, diffusé sur France 2 jeudi 12 avril à 20h55.
{"type":"Banniere-Basse"}