Quand un tueur à gages devient… acteur. Barry, une comédie noire portée par le remarquable Bill Hader, cocréateur de la série.
La recherche du concept qui tue peut devenir une plaie pour les séries. Héritée de la figure du producteur de cinéma Don Simpson – qui se spécialisa durant les eighties dans les films à pitch fort comme Flashdance, Le Flic de Beverly Hills, etc. –, cette manière de concevoir une fiction à partir de quelques mots ou d’une situation atypique-mais-forte a migré sur petit écran et n’a souvent rien de très excitant.
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https://www.youtube.com/watch?v=b09aJdWqVp4&feature=youtu.be
L’emballante Breaking Bad (quand un père de famille banal devient fabricant de drogue après avoir appris qu’il souffre d’un cancer) reste une exception. Dans les séries plus qu’ailleurs, c’est sur la durée que se tissent les évidences et les grandes affections.
La plus belle surprise depuis des lustres
Même si on le pense très fort, nous ne dirons donc pas tout de suite que Barry est la meilleure nouvelle série de 2018, ni la plus belle surprise depuis des lustres. Cette comédie noire mise à l’antenne par HBO n’a eu en effet que deux épisodes diffusés au moment où nous écrivons ces lignes.
Sans compter qu’elle repose sur une de ces idées bizarres qui sentent la fin de soirée entre scénaristes imbibés de mauvais whisky ou de bière tièdie. On imagine la discussion des irrécupérables pochtrons : “Et si on faisait une série sur un tueur à gages qui devient acteur ?” Quelqu’un a un soir prononcé ces mots, d’autres les ont validés puis engagé de l’argent en dollars, et l’idée qui tue a pris forme.
La vie de Barry bifurque et s’invente sous nos yeux
Le miracle, puisque miracle il y a, tient au fait que le spectateur ou la spectatrice de Barry accepte immédiatement cet improbable contrat. La raison est simple : l’arbitraire est brillamment mis en scène. Un soir, alors que l’ancien Marine devenu tueur à gages Barry Berkman traîne près d’un cours de théâtre pour suivre sa prochaine cible, il se fait engueuler par une jeune femme qui répète son texte sur des escaliers, entre dans le cours auquel elle assiste aussi et finit par prendre part à une scène d’improvisation.
Le moment de l’assassinat attendra. La vie de Barry bifurque et s’invente sous nos yeux qui n’en demandent pas tant. Son attrait irrésistible pour l’ailleurs devient le nôtre. Une échappée fluide et émouvante se structure en quelques minutes. L’art du jeu s’impose.
Un monde vaste et ultraréduit à la fois
Voir cet homme endosser une nouvelle peau dont il ignore si elle tiendra longtemps sur ses épaules (être acteur), tout en continuant à faire ce pour quoi il est très doué (tuer d’autres humains), ouvre des perspectives sur un monde vaste et ultraréduit à la fois.
L’essence des meilleures séries se trouve là, quand une promesse naît à partir de presque rien, d’un glissement apparemment tout simple, qui pourrait néanmoins durer et ne s’arrêter que dans plusieurs années. Ici, le potentiel de rencontre entre la mélancolie et le rire semble puissant et profond. Comment y résister ?
Une atmosphère burlesque surprenante, voire angoissante
Malgré l’intensité d’une vie qui se transforme en direct et dans une forme de douleur – le héros souffre d’un symptôme de stress post-traumatique –, Barry repose avant tout sur des ressorts de comédie. On s’amuse beaucoup et on ne sait pas toujours très bien pourquoi. Il y a dans les premiers épisodes d’hilarants et méchants mafieux qui bossent en famille et une atmosphère burlesque surprenante, voire angoissante.
L’acteur Bill Hader tient le rôle principal et a cocréé la série avec Alec Berg. Il a travaillé huit ans pour l’émission mythique Saturday Night Live, on l’a vu incarner des seconds rôles intéressants dans Superbad ou Sans Sarah rien ne va! pendant les années 2000. Face à Amy Schumer dans Crazy Amy de Judd Apatow, il trimballait son visage d’ahuri un peu inquiétant en haut de l’affiche.
Ce visage-là fait merveille dans Barry, avec un style expressif pas si éloigné de ce qu’aurait pu proposer un génie de la trempe de Jim Carrey, mais en plus sobre. Un genre de comique facial et corporel à la limite du pas drôle, toujours féroce, dont la série épouse la tradition avec un luxe de détails, petits gestes précis, expressions subtiles. Nous sommes partis pour rester en face à face avec Barry le plus longtemps possible.
Barry Le lundi, 21 h 55, OCS City. Disponible sur OCS Go
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