Le deuxième volet de l’anthologie American Crime Story se concentre sur la traque du tueur de Gianni Versace et étudie les dégâts de l’homophobie et du rêve américain à tout prix.
Le matin du 15 juillet 1997, les amoureux des paillettes et des imprimés foufous apprenaient la mort de Gianni Versace. L’icône du luxe le plus extravagant, le couturier admiré, succombait sur le perron de sa villa de Miami Beach, tué par balles.
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L’idée que Ryan Murphy – qui est un peu le Versace de la série télé : sans limites, parfois sans goût, mais toujours plein de courage et de folie – s’empare du sujet dans The Assassination of Gianni Versace: American Crime Story pouvait sembler à la fois parfaite et osée.
L’infatigable ambition de Ryan Murphy
Depuis Nip/Tuck, son grand œuvre des années 2000 situé dans une clinique de chirurgie esthétique (déjà à Miami), le scénariste-producteur devenu aussi réalisateur s’empare avec un appétit vorace des mythes américains en tout genre, creusant les failles de son pays plus ou moins subtilement. A son crédit ou son débit, c’est selon, on trouve par exemple Glee, Scream Queens, The New Normal, Feud, ou encore le hit American Horror Story.
L’infatigable ambition du quinquagénaire paraît évidente depuis longtemps, mais par son ampleur, la série anthologique American Crime Story représente une avancée. La première saison était consacrée à l’affaire O. J. Simpson, ex-star du foot US arrêtée pour le meurtre de sa femme et d’un ami, touchant aux problématiques raciales de manière assez forte tout en réussissant à mettre en scène une fiction de procès ultra addictive.
L’année prochaine, les dégâts humains et politiques causés par l’ouragan Katrina prendront le relais. Nous voilà donc avec Gianni Versace. Ou plutôt avec son meurtrier, Andrew Cunanan, un serial-killer dont la star de la mode a été la dernière victime. Les neuf épisodes sont inspirés d’un livre de la journaliste Maureen Orth paru en 1999, Vulgar Favors: Andrew Cunanan, Gianni Versace, and the Largest Failed Manhunt in U.S. History. Ils se concentrent sur l’assassin, selon une méthode narrative simple et efficace qui consiste à débuter par le meurtre pour remonter en arrière, jusqu’aux racines du mal.
Le portrait à rebours d’un tueur
The Assassination of Gianni Versace est donc le portrait construit à rebours d’un tueur – quatre autres victimes, toutes incluses à la série, furent à déplorer –, l’observation lancinante d’une vie qui s’écoule dans la frustration, la violence mais aussi l’apparat permanent de la douceur.
En plus d’assassiner, Cunanan “devient” au fur et à mesure de l’avancée de la saison un menteur pathologique vivant aux crochets d’hommes très riches, un ambitieux frustré par ses limites devenant prostitué, un enfant trop aimé par son père immigré de Manille et brisé par le rêve américain. Darren Criss donne à ce personnage retors et parfois sidérant ce qu’il faut de douleur et de séduction pour que la froideur et la petitesse de ses actions ne laissent pas indifférent.
Là où la série dépasse son programme, c’est dans sa façon de mettre en scène autre chose qu’une histoire de serial-killer ordinaire : en s’intéressant à ses victimes et à ses relations. La plongée dans la diversité des communautés gays américaines est assez inédite dans la fiction US récente (hormis When We Rise, qui racontait le mouvement militant) avec un éventail de réflexions puissantes sur l’homophobie.
La belle mélancolie par Edgar Ramírez en Gianni Versace
Que ce soit à travers un sexagénaire marié menant double vie avec de jeunes hommes ou un soldat forcé de quitter la marine à cause des discriminations (splendide épisode 5, qui se permet de lâcher l’histoire principale de la série), The Assassination of Gianni Versace raconte un pan entier du déni et de la violence américaine face aux minorités.
C’est aussi via la question de l’homosexualité plus ou moins problématique socialement que les personnages de Cunanan et Versace se rejoignent, même si leur vécu est très différent. Plutôt discret, le couturier joué avec une belle mélancolie par Edgar Ramírez devient vraiment intéressant quand son parcours d’émancipation est souligné, notamment son coming-out médiatique, dont sa sœur Donatella (Penélope Cruz) ne veut pas vraiment.
Là où la série pèche, c’est plutôt dans ses aspects policiers banals. L’enquête (elle aussi ralentie par l’homophobie) et sa résolution paraissent mornes. Par son goût du style et sa complexité, le reste vaut la peine d’être vu en retenant son souffle. Olivier Joyard
The Assassination of Gianni Versace Saison 2 d’American Crime Story, sur Canal+
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