Personnage plus large que la vie, Higelin a beaucoup apporté au rock français des années 70 à aujourd’hui.
Pendant les seventies, Jacques Higelin incarna un rock français déglingué et littéraire, qui réunissait sous les mêmes chapitaux toutes les factions d’alors, des activistes de la chanson française aux blousons de cuir, des baba-cools aux punks naissants. Car avant de devenir une bête de foire au lieu d’une bête de scène, Higelin inventa en pleines sixties libertaires, en compagnie de ses complices Areski et Fontaine, une drôle de chanson hippie, un acid-folk à des années lumières de la grandiloquence de son rock des années 80. Un goût du décorum et de l’extravangance qui lui fit perdre la raison et gagner le grand public à la charnière 70/80, avec un double album en forme de caprice : Champagne pour tout le monde/Caviar pour les autres (1979).
Les années 60/70, pourtant, avaient été riches en jalons, en métamorphoses, au rythme d’une époque elle-même en sur-régime, où Bowie donnait le tempo, passant du folk au rock outrancier en quelques mois. Des leçons d’évolution qui ne tomberont pas dans l’oreille d’un sourd, quand Higelin – après le surréalisme sublime de 20 Chansons D’Avant Le Déluge (1965), enregistré avec Brigitte Fontaine – passera du folk azimuté et libertaire de Higelin & Areski (1969) ou Jacques “Carbouif” Higelin (1971) au rock sombre et exaspéré de BBH 75 (1974).
C’est d’ailleurs avec un instrument prêté par Bowie qu’il enregistrera son premier tube, Pars, issu de l’album qui le consacrera finalement en 1978 : No Man’s Land. Un disque malade et dense, dont le succès, gagné à la force des tournées, ouvrira la porte à tous les lubies et démesures : enregistrements fastueux, concerts à la mise en scène pharaonique…
Après une décennie 80 de tous les excès, il reviendra, produit par Jacno, avec un album attachant, plus humble et intimiste – Tombé Du Ciel (1988).
L’héritage de ce grand absent du 21e siècle est pourtant aujourd’hui phénoménal : de Miossec à Feu Chatterton, on ne chanterait sans doute pas ainsi en France aujourd’hui s’il n’était pas passé par là quarante, voire cinquante ans plus tôt.