Les Français de Part-Time Friends assument leur obsession pop sur un second album très nineties. Un miracle pour un duo qui n’a pas arrêté de se séparer.
Longtemps, pour décrire leurs relations tempêtueuses, Pauline et Florent auraient pu choisir Bagarre comme nom de groupe. Mais c’était déjà pris. Ils ont opté pour Part-Time Friends, les amis à mi-temps et ça résume parfaitement aussi une relation en dents de scie, acérée et dangereuse. Il y a deux ans, après la sortie trop discrète de leur premier album Fingers Crossed, dont le titre ne lui porta pas bonheur, le mi-temps vira au chômage technique. Le groupe, sans oser prononcer le mot, se sépare. D’une voix qui retient ses mots, Pauline commente : “Il ne se passait rien, nous étions très frustrés. On ne se parlait plus : on donnait encore des concerts, mais en coulisses on s’ignorait l’un l’autre. J’ai alors décroché.”
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L’argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais il fait parfois l’entremetteur : Pauline et Florent, après de longs mois de silence et de brouille, se retrouvent finalement quand une marque automobile fait de leur chanson Here We Are la BO d’une campagne mondiale. Et plutôt que de parler, de crever des abcès, Pauline et Florent pratiquent un art dans lequel ils excellent : l’esquive. Dans la chaleur corse de l’été 2016, ils règlent leurs comptes, mais par chansons interposées : Florent adresse les cinglants Understand et We Are Not a Band Anymore à Pauline, qui lui répond par l’orageux Hurricanes.
Ainsi redémarre, dans la torpeur corse, le miraculeux processus musical qui les avaient sidérés dès leur première répétition. “D’entrée de jeu, se souvient Florent, nous avons parlé de notre obsession : les Libertines. Pauline est fan de Peter Doherty, moi de Carl Barât, ce qui nous résume bien : elle adore les chats et moi, les chiens. L’artiste surdoué et celui qui tient la baraque…”
Ce chaos fascinant, ainsi que la pieuse lecture des fables du rock, donnent matière aux fantasmes. Pauline et Florent se mettent à la guitare, comme leurs pères respectifs. “C’était un refoulé, j’ai fait de la musique pour attirer l’attention de mon père, commente Pauline. Mais ma vie a basculé grâce à Florent.” Dès qu’elle maîtrise deux accords, elle se sent ainsi prête à composer : cet artisanat approximatif, cette urgence resteront la marque de fabrique du duo. Mais le lo-fi, l’anti-folk, ces sons et étiquettes qui réduisent le champ de vision, ne sont pas ici des fins en soi : juste une mesure de l’incompétence. Qui, apprivoisée, raffinée, musclée donne sur le nouvel album Born to Try de sacrées pop-songs vitaminées, comme Understand ou Hear That Sound.
Réhabiliter les années 1990 et faire de la pop music
Il y a quelques années, pour décrire un concert à venir, Florent nous avait amadoués en nous promettant “du Arcade Fire pour enfants”. Et avec son emphase, ce côté outrageusement pop, il y a de ça dans le second album du duo. Qui est en mission : réhabiliter les années 1990 et une certaine façon, mélancolique et tapageuse, de faire de la pop music. Ils évoquent ainsi comme tuteur de l’album la chanson 1979 des Smashing Pumpkins, ainsi que des tubes de Cure ou même d’Oasis. “Le revival années 1980, je n’en peux plus, se lamente Florent. Il dure depuis plus longtemps que les années 1980 elles-mêmes. C’est insupportable, cette glorification du second degré en musique. Notre musique, elle, m’empêche de dormir.”
Décrivant l’enregistrement de Born to Try, le duo évoque, soulagé, un chantier idyllique au Pays de Galles. Cette sérénité s’entend, la tension étant cette fois strictement réservée aux chansons. Florent : “Pour la première fois, on ne se sentait pas obligés de s’excuser d’être là. On avait jusqu’ici zéro confiance en nous, on était complexés, on ne se trouvait pas légitimes. Là, on était beaucoup moins paranos. On a assumé enfin notre passion pour la pop. Ce n’est pas un gros mot !”
“Où est le cool ?”, s’interroge chaque semaine ce magazine. « Pas chez Part-Time Friends, réplique Florent. “En France, quand tu chantes en anglais, tu passes après les Anglo-Saxons et après les francophones… Et puis, on n’a pas des physiques de mannequins, on ne sait pas s’habiller, jouer avec les codes.”
Si ça ne marche pas ce coup-ci, avec l’impression d’avoir cette fois tout donné, Part-Time Friends envisage de quitter Paris et de retourner dans le Sud, “chez nous”. Peut-être même ensemble : Pauline et Florent ne se sont pas engueulés depuis des semaines.
Born To Try – Part-Time Friends (Un Plan Simple/Sony)
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