Adaptée d’une BD française, une comédie satirique débridée sur la crise de succession ouverte à la mort Staline.
Qui dit guerre, dit propagande. Qui dit guerre froide, dit méchants russes à stratagèmes machiavéliques et accents foireux. Bon. Mais dans l’eau de boudin actuelle, alors qu’on ne sait même plus si la guerre froide est de retour ou si elle s’amuse seulement à faire semblant, à quoi peut bien ressembler un film américain qui cherche à la représenter ?
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Logique : à une comédie qui a bien du mal à savoir si elle doit ou non se prendre au sérieux. Une parodie ambiguë, où le premier cercle soviétique (Khrouchtchev, Beria…), avide de s’entretuer autour de la dépouille pathétique d’un Staline subitement emporté par une attaque, n’a aucune difficulté à nous faire rire des crimes du régime, mais laisse toujours derrière lui un étrange fumet d’amertume.
La Mort de Staline est un pastiche, et loin d’être mauvais – à condition de ne pas avoir déjà découvert la totalité des vannes dans la bande-annonce. Mais c’est surtout par son double régime qu’il marque. D’un côté, une extrême légèreté, tambouille ironique sans aucun poids, menée par un Steve Buscemi impeccable en Khrouchtchev assoiffé de complots ; de l’autre, un soupçon d’horreur qui se fraye toujours un chemin, depuis les foules venues assister aux obsèques et mitraillées par l’armée, jusqu’à une exécution finale évoquant moins la joyeuse parodie totalitaire d’un The Interview que les horreurs voyeuristes d’un snuff.
Ici c’est drôle, là c’est soudain une torture morale. Pendant ce temps, la Russie (celle d’aujourd’hui) censure le film et Jeffrey Tambor, sous le coup d’accusations de harcèlement, disparaît magiquement des affiches britanniques par un procédé qui, justifié ou non, ne manque pas d’évoquer bizarrement les coutumes staliniennes. Stratégie marketing rusée ? OK, ce ne serait pas très sérieux, mais à ce stade on ne sait plus s’il reste grand-chose qui le soit encore – pas même la comédie.
La Mort de Staline d’Armando Iannucci Avec Steve Buscemi, Jeffrey Tambor (E.-U., Fr., G.-B., 2017, 1 h 48)
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