De Christoph Marthaler à Steven Cohen en passant par le duo réunissant Markus Öhrn et Marie Caroline Hominal, l’affiche du festival “Programme Commun” de Lausanne offrait un choix de spectacles somptueux pour son week-end de clôture.
La concurrence d’un brillant soleil printanier n’y pouvait rien, les salles étaient combles et la ferveur du public sans égal. Comment résister à la tentation de pouvoir découvrir dans la même journée la dernière création de Christoph Marthaler et celle du duo réunissant Marie-Caroline Hominal et Markus Öhrn avant d’assister comme un ultime moment d’émotion à la performance proposée par Steven Cohen.
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Tout commence en ce début d’après-midi par Tiefer Schweb de Christoph Marthaler qui nous entraîne au plus profond du lac de Constance pour assister aux travaux d’une commission censée répondre à l’accueil de réfugiés en profitant de la situation privilégiée de pouvoir de siéger sur un territoire frontalier de la Suisse, de l’Autriche et de l’Allemagne.
A plus de 250 mètres sous la surface des eaux du lac, les débats sur la ligne à tenir face à l’afflux des demandes prennent forcément un aspect surréaliste dont Christoph Marthaler fait son miel. L’humour de cette situation ubuesque s’accorde à des chants qui transforment la troupe en une chorale impayable. Saisir ainsi l’immobilisme européen en période de crise sans se lancer dans un réquisitoire politique s’avère un condensé de l’art du metteur en scène. Tiefer Schweb est un miroir déformant qui dit avec poésie plus de vérité sur notre présent que toutes les analyses médiatiques. Une leçon d’élégance et de lucidité sans pareille.
La plus shakespearienne des sorcières
Se référant au destin de femme soumise vécu par sa grand-mère, Markus Öhrn offre à Marie-Caroline Hominal l’occasion d’une incroyable performance où le trash et le gore font bon ménage pour dénoncer le statut de servante de l’aïeule et libérer ses fantasmes après sa mort. Incarnant la chère disparue qui se réveille dans son cercueil, Marie-Caroline Hominal performe le retour de la morte-vivante avec l’aspect de sa dépouille en putréfaction. Un sabbat digne de la plus shakespearienne des sorcières pour un très inconvenant hommage où l’amour d’un petit-fils ose toutes les outrances.
La mort comme un rituel de sacrifice
Avec Steven Cohen, l’apogée de cette journée a pour titre “Put your heart under your feet… and Walk ! / à Elu”. Dédié à Elu, son amant disparu, cette performance mêle vidéo et jeu. Des images romantiques de Steven Cohen dansant dans un jardin japonais à son parcours insoutenable dans un abattoir en Afrique du Sud, le rituel célèbre la mort comme un rituel de sacrifice. Ultime transgression, l’artiste mange une cuillérée des cendres du disparu pour que son propre corps l’accueille comme une tombe. En transformant le spectaculaire en un cérémonial de deuil qui se partage avec le public, Steven Cohen nous renvoie aux origines d’un art qui renoue avec un théâtre de la nuit des temps. Inoubliable.
Avec ses artistes d’exception, Programme Commun s’affirme aujourd’hui comme un rendez-vous incontournable de la création.
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