Ce 23 mars, un groupe d’individus cagoulés a violemment attaqué les étudiants grévistes dans l’amphithéâtre de la fac de droit de Montpellier. Plusieurs témoins et victimes soupçonnent le doyen de l’université d’avoir permis aux agresseurs de pénétrer dans l’établissement.
L’action avait tout d’une expédition punitive. La nuit du 23 mars, peu avant minuit, les étudiants de l’université Paul-Valéry de Montpellier assemblés dans un amphithéâtre de la fac de droit pour un blocus pacifiste ont été violemment attaqués par un groupe de personnes cagoulées, armées de tasers et de matraques. Plusieurs témoignages soupçonnent le doyen de l’université Philippe Pétel d’avoir aidé les agresseurs à pénétrer dans l’amphithéâtre.
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« C’est la première fois depuis 68 que la fac de droit est occupée »
La vidéo a fait le tour des réseaux sociaux. On y voit un groupe de personnes, pour la plupart cagoulées, vêtues de noir et armées, frapper les étudiants jusqu’à les faire fuir. Un même mode opératoire dénoncé par plusieurs étudiants. Coups de poings, de planches, de tasers : une « milice » d’une dizaine d’hommes aurait pénétré les grilles de l’université pour en découdre avec les grévistes.
« C’est la première fois depuis 68 que la fac de droit est occupée« , explique Marine Jalabert, porte-parole du S.C.U.M. (le Syndicat de Combat Universitaire de Montpellier), contactée par Les Inrocks. A l’initiative des étudiants de Paul-Valéry, une AG a été menée durant toute l’après-midi du 23 mars, dans le but d’intégrer leurs camarades de droit au débat sur la loi Vidal. « Ils ont essayé de lancer le mouvement, et ça a bien marché. L’amphi A était complet, les étudiants en droit ont pu s’exprimer, ils nous ont remercié de cette réunion, car jusque là rien ne se passait dans leur université« , continue Marine Jalabert.
“Ne dormez que d’un œil”
Une harmonie bien vite rompue. “Certains étudiants en droit d’extrême-droite n’ont pas respecté le mode de fonctionnement de l’AG. Ils piquaient le micro, puis ont commencé à se battre…”, rapporte la porte-parole. S’agit-il des mêmes personnes qui sont venues durant la nuit en découdre avec les grévistes ? Marine Jalabert affirme ne pas le savoir, mais précise : “Les personnes qui les ont laissé entrer les connaissaient. Les agresseurs n’ont pas été fouillés, contrairement à tous les autres étudiants, ils sont rentrés avec des planches sans problème”.
“On nous a dit que les personnes cagoulées étaient certes une partie des étudiants de droit, mais aussi des chargés de TD. En quittant la fac en fin de journée hier, on a entendu quelqu’un dire : ‘ne dormez que d’un œil’. Ils se sont vantés du fait qu’ils allaient venir dans la nuit”, explique la porte-parole.
Le doyen en ligne de mire
Au micro de France 3, une étudiante présente lors de l’attaque explique la manière dont les agresseurs ont pénétré dans la fac : “Ces mecs ne sont pas rentrés par l’entrée principale. Moi j’étais devant, eux sont arrivés par derrière, toutes les portes de derrière étaient condamnées, fermées par l’administration. Les seules personnes qui pouvaient avoir les clefs étaient des membres de la fac de droit”. Des soupçons de complicité entre le doyen de l’université Philippe Pétel et les agresseurs ont été confirmés par plusieurs témoignages.
De son côté, Octave, interrogé par Libération, affirme avoir vu le doyen entrer dans l’amphithéâtre : “Un peu avant minuit tout le monde est sorti de l’amphi, parce qu’on a vu des personnes tout de noir vêtues et [le doyen] Pétel, ils sont entrés par une porte [de l’amphithéâtre] qui était fermée. C’est le doyen qui a ouvert la porte. Je l’ai vu de mes propres yeux”.
Le jeune homme continue :
“Pétel a ouvert une porte aux hommes en noir, les a laissé faire. La sécurité incendie n’a rien fait, elle les a laissé faire. Les hommes en noir étaient une dizaine, cagoulés. Des étudiants en droit ont reconnu [parmi eux] des professeurs de la faculté. Un professeur en droit civil et un professeur d’histoire du droit.”
Des accusations graves, qui inculpent à la fois le doyen, mais aussi des professeurs. Quant aux hommes en rouge qui apparaissent sur plusieurs vidéos, ils seraient des agents en charge de la sécurité incendie. Selon plusieurs étudiants, ils ne seraient pas intervenus lors de l’attaque.
Réponse ambiguë
Philippe Pétel nie avoir ouvert les portes de l’université aux agresseurs. Mais son témoignage sur France 3 est particulièrement troublant. “Il y avait une bonne cinquantaine d’étudiants, ils ont voulu se défendre, je ne peux pas les en blâmer. Les étudiants en droit qui étaient là, ils étaient tous contre l’occupation […] Je suis assez fier de mes étudiants. Je les approuve totalement”, affirme-t-il, sans que l’on sache au juste à quels étudiants il fait allusion.
Sur change.org, une pétition appelant à la démission de Philippe Pétel a d’ores et déjà été lancée et cumule actuellement plus de 7000 voix. Un vent de révolte souffle sur l’ensemble du milieu universitaire depuis cette attaque. Selon le S.C.U.M, les étudiants de la fac de Paul-Valéry ont majoritairement voté la poursuite du blocage de l’université. Mais également, aux deux-tiers, la demande de démission de son président Patrick Gilli, depuis le 13 mars. Dans un communiqué, le S.C.U.M dénonce sa « politique de sélection élitiste en Licence et Master et son refus du dialogue avec les étudiants« .
Des décisions qui s’imposent
La Ministre Frédérique Vidal, à l’origine de la réforme sur l’enseignement supérieur, a déclaré dans un communiqué condamner « avec la plus grande fermeté ces actes de violence« , rappelant que l’université doit rester « le lieu du dialogue et du débat« .
[📝Communiqué] Je condamne avec la plus grande fermeté les violences commises à la faculté de droit de l'@umontpellier. J'ai missionné immédiatement l'IGAENR pour faire toute la lumière sur les faits. pic.twitter.com/j53qXqidg4
— Frédérique Vidal (@VidalFrederique) March 23, 2018
Elle affirme vouloir faire la lumière sur les événements advenus dans l’amphithéâtre, en s’appuyant sur l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche (IGAENR). Suite aux résultats de l’enquête, elle promet d’engager des poursuites judiciaires. Pierre Augé, le président de l’université de Montpellier, a décidé de fermer la fac jusqu’à lundi, et affirme avoir déposé plainte contre X « afin que toute lumière soit faite sur les événements« , rapporte France Bleu.
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