Un album peuplé de figures hétéroclites et d’influences littéraires aussi bien que cinématographiques.Un album peuplé de figures hétéroclites et d’influences littéraires aussi bien que cinématographiques.
“En décalage”, voilà comment se sent Stéphane Milochevitch par rapport au monde de la musique. On pensait lui parler des mille cousinages qu’on peut tirer comme mille fils sur son fabuleux nouvel album, mais lui préférera parler artisanat. “Je n’arrive pas à me passionner pour le music business : ce qui nourrit vraiment ma musique, c’est le dessin, la broderie ou les tapis berbères”, nous explique‑t‑il après avoir survolé un parcours qui le voit bourlinguer de la Moselle de son enfance à la banlieue parisienne, puis au Texas, où il commence à jouer et composer à 12 ans :
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“Comme j’étais batteur, on ne me prenait pas au sérieux, et j’ai gardé cette position d’outsider un peu bancal qui se fout de fidéliser un public ou de creuser un sillon. Le projet Thousand, c’est avant tout une blague, c’est passé par des phases de n’importe quoi avant de se structurer vers 2008.”
« Un truc brut, hyper sincère, limite obscène »
Stéphane enregistre alors des chansons en anglais jusqu’à un album en 2015 marquant “la fin d’un cycle avant d’aller trouver des choses en français qui m’ont ouvert un nouveau terrain de jeux”. Là encore, la position est celle de l’outsider, quand bien même on entendrait dans Le Tunnel végétal des liens avec ses contemporains de Grand Blanc et surtout une filiation Bashung : “Sans mentir, je ne m’y suis intéressé que tout récemment, via un copain, et j’ai vu que c’était immense : Station service ou J’sors avec ma frangine, c’est pile ce que je veux entendre – un truc brut, hyper sincère, limite obscène.”
Précisément ce que réussit son nouvel album qui joue avec les souvenirs vécus et un bric-à-brac mêlant Jésus, le Qui-est-ce ?, Robert Ménard et Pharaon : “Ce panthéon un peu monstrueux de figures hétéroclites, mythologico-pop et intimes, c’est un cabinet de curiosités qui nous ont dérangés ou fascinés. Le but de mes images crues n’est pas de choquer mais d’accompagner. Ça vient peut-être d’une culture metal que j’ai eue très tôt et qui reste mal comprise, comme une mascarade dark alors que c’est très lumineux au bout.”
Au-delà de ses visions cauchemardesques, c’est certainement une volonté humble et chevaleresque de bien faire qui tient Thousand à l’écart “des schémas d’idolâtrie de vieux mecs millionnaires qui se botoxent… mon boulanger fait beaucoup plus pour moi que ces types-là”. Il nous offre ses propres failles avec l’idée que “chacun va y trouver quelque chose de différent : ce coffre de la Xantia qui revient sur plusieurs chansons, il y a une réalité autobiographique derrière mais ce qui compte, c’est ce que chacun y projette. C’est la lumière dans la boîte de Kiss Me Deadly : on ne sait pas ce que c’est et ça brûle tout.”
Écrire à partir de ses rêves
Plus que musicales, Stéphane assume des influences cinématographiques et littéraires, de la légende arthurienne – dans laquelle il se plonge aujourd’hui – aux fictions de Bioy Casares où il est allé puiser le titre de l’album. “C’est un tunnel dans lequel on se cache pour avoir accès à notre intériorité, rendre l’illusion réelle et en ressortir transformé.”
En écrivant à partir de ses rêves, il a trouvé comme principe d’écriture “la mise en forme de choses intimes et incompréhensibles”. Elle passe parfois par la transe, comme sur un Nombre de la Bête à la “rythmique influencée par les soufis”, et qui en une seule écoute peut devenir notre morceau préféré pour au moins quatre éternités. Parmi les musiciens venus magnifier les textures pop de Stéphane, on retrouve Olivier “O” Marguerit à la basse et Emma Broughton aux chœurs, pour nous guider dans ce jardin aux sentiers qui bifurquent, ce labyrinthe de sens que constituent les mille feuilles de Thousand.
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