Du rock exalté avec Josh T. Pearson, de la pop perturbée par les 90’s avec Middle Kids, du folk qui fait le beau avec Laish, de la chanson française en fugue avec Arnaud Le Gouëfflec et de la soul moderne avec Kimberose.
Une fois, une seule, je ne suis pas passé loin d’un lynchage redneck. C’était à un rodéo au Texas, auquel m’avait embarqué le groupe Lift To Experience. Le Stetson entouré de barbelés que portait leur chanteur Josh T. Pearson ne passait pas auprès des vachers : sa valeur symbolique d’outlaw nous valut des regards de plus en plus agressifs. On quitta le rodéo aussi vite qu’il aurait fallu à un bronco pour nous faire goûter le sable. En musique aussi, Josh T. Pearson aimait jouer avec les codes maléfiques, propulsant le rock vers le vide comme peu d’artistes l’avaient fait depuis Jeff Buckley. Trop intense, le groupe implose après un album divin, diabolique.
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C’est sans son chapeau ni sa barbe de prêcheur halluciné que l’on retrouve Josh T. Pearson en solo, mais certainement pas en unplugged. L’électricité, en tornades sèches, continue de s’engouffrer dans ces chansons psalmodiées, parfois sublimes (Loved Straight to Hell), de toutes façons magnifiques et forcenées même quand se calme la tempête. Car The Straight Hits! a beau simuler la sérénité et un retour à un rock normal, compétent (Jonathan Richman en trompe-l’œil), tout n’est ici que lambeaux, romantisme exalté, cœurs navrés. A une époque, Josh T. Pearson vendait des crèpes à Paris : un comble pour un homme dont l’écriture ignore tout des choses plates, sucrées et molles.
Les trois Australien(ne)s de Middle Kids s’improvisent ambassadeurs des années 90
A côté d’un tel tourbillon de sensations, Lost Friends de Middle Kids paraît sage. Fausse impression, que résument assez bien le possible tube Edge of Town ou l’obsédant Bought It, à la fois pop et perturbé, électrique et boisé. Les trois Australien(ne)s s’improvisent ainsi ambassadeurs des années 90, reprenant à leur compte les équilibres chancelants alors à l’œuvre chez Liz Phair ou même les Breeders. C’est le label Lucky Number, déjà riche en voix de femmes avec Dream Wife, qui a raflé Middle Kids, nouvelle preuve de sa vigilance.
Niveau grandes oreilles en forme de radar, le label français Talitres n’a rien à envier à beaucoup d’écuries anglo-saxonnes. Régulièrement pillé, Talitres publie le troisième album de l’Anglais Laish, troubadour réjoui qui, dans le confort douillet et coloré d’un studio de Brighton, a décidé d’alléger le folk de tout pathos. Malgré la dureté ou l’amertume des thèmes affrontés, Danny Green ne succombe jamais aux tentations geignardes ou décharnées, choisissant le vif, le chamarré plutôt que le sépia pour peinturlurer ses guirlandes de campagne anglaise.
Autre label passionnant de France, L’Eglise de la Petite Folie accompagne la carrière d’Arnaud Le Gouëfflec, enrichissante pour les élus qui ont croisé ses chansons. De plus en plus audacieux musicalement, à l’aise avec l’expressivité brutale de sa voix, le Breton continue la recherche initiée par Miossec sur une chanson française nourrie de rock anglo-saxon. Ici, ce sont quelques musiques en marge mais en marche qui irradient, électrocutent des trésors comme La Proie pour l’ombre ou Fleurs de Toussaint sous le parking aérien. Dans la lignée du regretté Le Coq, des chansons d’homme abîmé, en direct des carnages, fulgurances poétiques qui faisaient la grandeur de Léo Ferré.
On pensait cette soul teigneuse, morveuse réservée à quelques divas américaines, des BellRays aux Alabama Shakes. Mais en France, l’Anglo-Ghanéenne Kimberose a adopté sans accent ce patois du Deep South, aussi sensuel que brutal. Comme chez Amy Winehouse, pas question de se vautrer ici dans la nostalgie, l’hommage aux morts de la nation : la soul reste une musique insolente et indomptable à saisir à bras-le-corps. Et Kimberose, comme le rappellent les carabinés I’m Broke ou la reprise de Where Did You Sleep Last Night?, possède le bagout, la puissance de feu, la félinité et la fièvre au corps pour à son tour incarner une soul moderne, sur les pieds de laquelle on évitera de danser. Son album s’appelle Chapter One : il y en aura d’autres.
The Straight Hits! de Josh T. Pearson (Mute/Pias), Lost Friends de Middle Kids (Lucky Number), Time Elastic de Laish (Talitres), La Frayeur de la nuit d’Arnaud Le Gouëfflec (L’Eglise de la Petite Folie), Chapter One de Kimberose (Freedonia/6&7)
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