Dans la troisième saison de Love, Judd Apatow met un terme aux errances sentimentales de Mickey et Gus, deux trentenaires un peu largués. Ou quand finir, c’est grandir un peu.
Savoir terminer une série est un art difficile, aux enjeux presque fous. Contenter celles et ceux qui la regardent en même temps que les personnes qui la créent ; mettre un terme à un récit dont l’originalité tient à sa capacité à embrasser nos vies sans fixer de date de sortie, voilà le défi. L’invention des fins de séries s’avère assez récente à l’échelle de l’histoire de l’entertainment.
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Pendant des décennies, personne ne savait, au moment où une aventure narrative commençait, quand elle allait se terminer. L’imprévisibilité faisait un peu partie du contrat. Le cimetière télévisuel déborde de séries restées trop longtemps à l’antenne, ou au contraire stoppées en plein vol par les exigences d’audience d’un diffuseur grognon.
Une ampleur inattendue
L’avantage des mutations en cours – provoquées par l’arrivée des plates-formes de streaming – tient à ce qu’on ne peut plus ignorer que les séries méritent une vraie sortie. Pour l’amour de l’art ? Pas vraiment. Pour que les abonnés à Netflix, Amazon ou Hulu aient de quoi remplir leurs plus ou moins longues sessions de binge watching. Leur proposer des histoires avec un début, un milieu et une fin cohérents est simplement une question de bon sens industriel basique.
Mais, l’année dernière, Netflix a fait mentir cette évidence en coupant court à deux productions trop onéreuses, Sense8 et The Get Down, offrant tout de même à la première un épisode final en bonne et due forme – toujours attendu par les fans.Love reçoit un traitement plus doux. Sa troisième saison qui vient d’être mise en ligne a été conçue comme la dernière. Cette décision, que le producteur principal Judd Apatow n’a pas reniée, lui donne une ampleur inattendue.
La série a installé l’union de Mickey et Gus comme une sorte de miracle en mouvement, une drôle d’attirance tenant sur un fil, quasi incompréhensible de l’extérieur
Pour rappel, cette comédie romantique située à Los Angeles raconte l’histoire d’amour entre deux amants dépareillés. Mickey (Gillian Jacobs, ex-Community) est la productrice d’une émission de radio, un peu trop jolie pour l’ingrat Gus (Paul Rust, cocréateur de Love), son nouveau boyfriend qui rêve d’écrire des scénarios. Elle assiste à des réunions des alcooliques anonymes, tandis que lui essaie de se débrouiller dans la vie malgré un talent pour les interactions sociales à peu près égal à zéro.
Pendant ses deux premières saisons, la série a installé leur union comme une sorte de miracle en mouvement, une drôle d’attirance tenant sur un fil, quasi incompréhensible de l’extérieur. La génération des trentenaires avait trouvé, à côté de You’re the Worst et des dernières saisons de Girls (produite également par Judd Apatow), une manière d’exhumer ses tics collectifs et ses errances sentimentalo-sexuelles.
Non, non, rien n’a changé
Cette troisième saison fait le pari paradoxalement gonflé de la continuité. Quand nous retrouvons Mickey et Gus, rien ou presque n’a changé. Ils sont encore en train d’apprendre ce que veut dire s’aimer sans que la “chimie” opère. On apprend au détour d’un dialogue qu’ils se connaissent depuis quelques mois.
Alors que l’écart de mise en ligne entre chaque saison est d’environ un an, Love ne s’étale au bout du compte que sur un peu plus d’une demi-année fictionnelle. Cette façon d’étirer le temps donne à chaque épisode de cette ultime saison une force particulière, une tension palpable alors même que le principe de la série consiste à ne pas balayer plus loin que la banalité du quotidien.
Les meilleurs épisodes sont ceux où les amants découvrent à quel point, à cet âge de la vie, le passif de l’un ou de l’autre commence à importer
Dans ce contexte d’urgence ralentie, chaque réplique compte, même la plus banale, chaque engueulade pourrait être la dernière. Les meilleurs épisodes sont ceux où les amants découvrent à quel point, à cet âge de la vie, le passif de l’un ou de l’autre commence à importer. C’est en cela que la série rejoint le travail plus large de Judd Apatow, qui a toujours montré des personnages vivant un moment charnière (des ados Freaks and Geeks à 40 ans : mode d’emploi) et ne sachant pas comment se défaire de leur ancienne peau.
“On essaie de grandir”, dit Mickey dans l’ultime épisode faussement apaisé de la série, donnant le mode d’emploi de son existence mais aussi celui de la fiction. Pour Love, accepter que ses personnages grandissent signifie disparaître. Un vrai geste d’amour.
Love saison 3 sur Netflix
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