Malgré un nom-gag, ce cousin australien de James Blake parvient à toucher au coeur. Critique.
En raison de possibles confusions homonymiques avec la tête pensante de LCD Soundsystem (et un compatriote chanteur nommé Nick Murphy), l’Australien Nicholas James Murphy s’est choisi un nom encore plus voyant, hommage un brin masochiste au James Dean du jazz, dont il revendique sans fausse pudibonderie l’inspiration. Mieux vaut toutefois oublier cette coquetterie patronymique assez cheap, Chet Faker n’étant que très vaguement un Chet Baker faussaire, bien qu’évoluant dans le très large spectre des crooners d’ombres et lumières, mais à trop bonne distance de l’Américain à voix pâle pour qu’on se hasarde à toute comparaison.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La fragilité d’un son « construit sur du verre«
C’est plus volontiers en cousin des antipodes de James Blake, voire parfois d’Antony, qu’on l’accueille, soit en chanteur maniéré mais touchant, dont la voix affectée s’agrippe à des musiques, c’est dit dans le titre, “bâties sur du verre”. On redoutait, sur la foi des quelques singles auxquels on avait prêté une oreille distraite, de se retrouver encore en présence de l’un de ces émotifs de pacotille surjouant sa petite comédie narcissique sur du downtempo sans écharde ni mystère.
C’est la sensation qui prévaut lorsqu’on passe dessus en vitesse – l’écueil de ces disques qui finissent par devenir des bruits de fond pour les sandwicheries de hipsters – mais, comme avec James Blake, c’est à l’usure que se révèle la singularité d’un tel objet.
Un univers aux horizons multiples
La main de plâtre ébréchée de la pochette qui semble nous repousser est paradoxalement une invitation à aller y voir un peu plus en profondeur. Elevé à la soul de Motown comme aux euphories de la house, à cultiver en parallèle cette obsession pour le jazz West Coast, il est parvenu à infiltrer sa musique dans les failles (béantes) qui séparent ces continents musicaux, se donnant pour mission, avec cet album, de les combler de sa seule présence.
Le Fender qui rôde sur Release Your Problems oriente d’abord vers la fausse piste du smooth-jazz lubrique des 80’s, mais la voix plaintive nous rappelle qu’on n’est pas chez les séducteurs à moustache de L. A., et malgré son sax lascif, Talk Is Cheap tire plus volontiers vers The xx en moins maladif.
C’est d’ailleurs dans le minimalisme que Chet Faker finit de convaincre tout à fait (To Me, l’afrobeat sous cloche de Cigarettes & Loneliness), usant de fils rythmiques dénudés et de quelques effets en boucle pour que sa seule voix (et ses choeurs en écho) occupe l’essentiel de l’espace. Admirablement.
{"type":"Banniere-Basse"}