À l’occasion de la sortie de l’EP “Finistère Amer” du producteur Theo Muller paru sur l’une des branches du label de Concrete, on s’est entretenu avec le DJ, et aussi avec Brice Coudert, le directeur artistique de la structure. De ces échanges, nous avons pu cerner l’utilité, tant pour un club, tant pour les artistes, d’avoir cette double casquette d’établissement et de maison de disque.
Trésor à Berlin, Fabric à Londres, Dekmantel à Amsterdam… À l’entente de ces prestigieux noms, les visages des amoureux de musiques électroniques s’illuminent. Tous, en plus d’êtres des clubs dont la fréquentation n’a d’égale que leur réputation, sont aussi des labels qui animent avec goût et singularité ce vaste paysage musical aux horizons variés. À Paris, depuis le début des années 2010, un acteur local devenu international à son tour, Concrete (béton en anglais), s’engage avec toujours plus d’insistance sur le chemin qu’ont emprunté ses illustres prédécesseurs.
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Comme ces aînées, ce lieu accroché au Port de la Rapée du douzième arrondissement parisien est en train de s’imposer comme un label défricheur, de qualité. Des soirées itinérantes de Twisted à la résidence sur la péniche, aux lancements du Weather Festival sans oublier le développement des trois branches du label Concrete Music, l’agence Surpr!ze à toujours opéré selon une démarche bien spécifique, musicale.
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La défense de la house, de la techno et de la minimale
Au détour d’un café/clope à une heure pas trop ingrate pour un matin, Brice Coudert, le directeur artistique de Concrete, explique avec la même conviction qu’à l’époque, le constat qui a poussé la petite équipe à se lancer. De façon précise, il cible une certaine période parisienne où le spectre de la musique électronique se cantonnait à une french touch 2.0., qui battait de l’aile :
“Au début des années 2010, peu d’endroits de la capitale innovaient en termes de clubbing et de propositions en musique électronique : entre le Social très accroché à notre french touch ou certains autres clubs bloqués sur tous les anciens trucs et les gros gros artistes… À Paris, les fêtes se passaient uniquement dans les clubs. Les gens commençaient à saturer, ils voulaient faire la fête autrement. En journée par exemple, comme ça se faisait à Berlin. On se doutait bien que proposer des fêtes alternatives attirerait le public, et ça, quelle que soit la musique. Alors on s’est dit, pourquoi pas se faire plaisir avec nos line-up et proposer des artistes différents ? Au final, si les gens se familiarisaient avec ces DJ plus house, techno et minimal, plus underground, on aurait tout gagné !”
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Un pari osé, qui en l’espace de quelques années aura largement permis de vérifier la compétence de Surpr!ze à organiser et faire vivre ses événements. Outre le club Concrete et ses hybridations, la petite équipe est à l’initiative de l’imposant Weather Festival et des fêtes insolites et canoniques Hors Série. En parallèle de ça, et depuis un bout maintenant, l’agence s’est engagée dans un autre combat, celui de la promotion et du développement “d’artistes locaux ”. 2013, le label Concrete Music et ses trois branches (03PM pour la house, le techno 04AM et le minimal 07AM) voient le jour.
La relation club / label
“À ce moment là à Paris, ce n’était pas aussi simple que maintenant de se faire connaître pour un artiste qui faisait de la musique dans sa chambre. Ça marchait beaucoup par copinage – reprends Brice entre deux bouffées de cigarette. Avec le club et le label en place, on s’est dit que c’était le bon moment de les mettre l’un au service de l’autre. Les fêtes de Concrete marchaient bien, on s’en est donc servi pour donner de la visibilité à nos artistes et accélérer le process”. Cette initiative aura fait rayonner des DJs comme Antigone, Voiron, où encore Le Loup, à travers quelques sorties digitales et/ou physiques ; bien sûr toutes estampillées d’une des marques de Concrete Music.
Pour autant, Brice Courdert se veut rassurant. Il l’affirme, cette démarche bénéfique aux artistes n’est pas exclusive aux “institutions”- aux établissements côtés. Il y a des “clubs de niches” qui pourraient très bien fonctionner, “le Salon des Amateurs de Düsseldorf ou le Robert Johnson plus axé sur la minimale, ont leur propre vibe musicale. Ils peuvent parfaitement se lancer dans l’aventure, ils ont un public fidèle” cite-t-il en exemples. Un point de vue que le DJ de Rennes, Théo Muller ne partage pas complètement. Le producteur breton et ses deux meilleurs amis (Florian le président et Valentin, plus axé sur le côté graphisme, DA) sont aussi à la tête d’une structure, Midi Deux, qui à la triple casquette d’être organisateur de soirées, label de musique et site d’information.
https://www.youtube.com/watch?v=esfYVJHtxhs
La réalité du marché de la musique
Sans avoir le rayonnement de Concrete et sans adopter la même démarche, la création de la partie label a plus servi à “garder une trace”, comme il le dit. Théo continu “Un skeud ça coûte de l’argent (rires). C’est une belle carte de visite. Mais ça, ça n’appartient vraiment qu’aux gros clubs comme Fabric. Je trouve ce lien entre club et label positif pour les artistes, moins pour les gros, mais pour les petits comme moi (rires) oui ! ” Même si les soirées Midi Deux sont devenues références sur leur terre, la partie label n’a pas explosé ; la faute à certaines variables spéciales, insécables au marché de la musique.
Cette réalité, Brice Coudert a pris le temps de l’observer pendant les années de maturation de Concrete Music :
“Le game de vente de musique est complètement différent. Des mecs cartonnent sans faire de promo, simplement parce qu’ils sont bons sur YouTube, où parce qu’ils mettent en ventes des disques en petite quantité juste pour buzzer… Je me suis aussi rendu compte d’un truc : quand tu es une institution et que tu as un label, les gens vont écouter ta musique, mais les DJ’s ne vont pas forcément acheter le disque. Quand tu te retrouves dans un club à devoir jouer de la musique tu as envie de surprendre ton public. De jouer le dernier Concrete ça ne va surprendre personne, tout le monde le connaît. Ce n’est pas forcément vrai, et pour plein de gens il passera peut être sous le radar.”
L’entrée du catalogue Concrete Music dans le digital
Pour rendre encore plus accessibles les morceaux des branches de Concrete Music, l’agence Surp!ze a embrassé le digital, les plateformes de distributions de musique en ligne. Même si Brice était à la base contre, une discussion avec Cabanne – un des résidents du club – l’a fait changer d’avis : “Même si je pense que la house, la techno et le vinyle sont liés, cet échange m’a marqué. Il me disait : “est-ce que tu veux que ta musique ne soit écoutée que par des mecs qui ont des platines chez eux ou bien par des DJs ?” Et effectivement, non. D’autant plus qu’on est dans une approche ou on veut faire découvrir des artistes. On y avait réfléchi, et on a franchi le cap du digital l’année passée, en avril. ” Comme souvent avec Supr!ze, l’entreprise est une nouvelle fois récompensée : “il y a des super retours.”
En point d’orgue de ces idées, les branches du label sont complémentaires et permettent des ponts entre les trois genres qu’il représente ; à l’image du Finistère Amer de Théo, scindé en deux styles très minimal sur les premiers tracks et plus cadencé sur les suivants. Avec cette direction artistique, Concrete Music propose “des nouvelles choses à des gens qui se seraient contenté d’un seul style, d’où l’intérêt de cette séparation” en conclut Brice.
https://www.youtube.com/watch?v=rmxG1e1ymds
L’EP de Theo Muller, Finistère Amer, est disponible depuis février dernier. Celui de Sweely, Les chroniques de monsieur Montana part I, paraitra fin mars.
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