Après un carton sur le net, le Californien ressort en bonne et due forme son premier album.
La haine du bled est un excellent moteur de création. London O’Connor a grandi à San Marcos, patelin californien perdu entre San Diego et L. A., qu’il décrit comme suit : “Tout est bidon. Toutes les maisons se ressemblent. Y a rien à faire à part traîner sur les parkings ou forcer les grilles des écoles pour skater. C’est comme si cet endroit avait été designé pour faire de toi un dégonflé.” L’office du tourisme local appréciera.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mais c’est précisément ce rejet viscéral qui a nourri le premier album énigmatiquement baptisé O∆ (prononcez “cercle-triangle”) de cette tête à dreadlocks. “Le quartier où j’ai grandi est tellement mort, dit-il. Je voulais écrire un truc que je pourrais jouer à fond en roulant tout doucement en bagnole juste pour faire chier les voisins.” Un disque branleur, donc, qui pue la frustration amoureuse (Love Song), l’ennui mortel (Survive) et les chaussettes sales.
En 2015, lorsqu’il jette négligemment ce premier album sur SoundCloud, London casse l’internet. C’est ce disque que le label Matador ressort enfin en bonne et due forme. Un itinéraire chaotique correspondant plutôt bien au mode de vie du jeune musicien sans adresse fixe (“Ma vie tient dans mon sac à dos. J’ai pas d’appart. Je crèche chez des potes, sur un sofa ou par terre.”) et qui, de fait, compose avec un équipement rudimentaire :
“J’ai un synthé de poche, un OP-1, que je branche sur mon ordi portable. Point barre. C’est comme ça que j’ai enregistré tout mon premier album. Par exemple, j’ai écrit le titre Survive planqué dans un placard d’un boulot que je détestais…”
Cette éthique DIY et minimaliste, le musicien l’applique avec la même foi à la production : “Sur Nobody Hangs out Anymore, il n’y a pas plus de 5 ou 6 sons : une rythmique, un clavier, une basse, quelques cordes à la fin. Et c’est tout. Tous ces sons sont importants justement parce qu’il n’y a rien d’autre autour.”
Millienial sans passé
On pense à un Prince sans guitare, à un Earl Sweatshirt levé trop tôt du lit. Sans influences revendiquées, London lui se pose en millennial sans passé qui se serait modelé seul :
“Je fais partie de la première génération à s’être élevée toute seule à travers les réseaux sociaux, YouTube… On ne se satisfait pas de la télé ou du cinéma. On fait nos propres vidéos, notre propre musique qu’on balance sur le web, nos propres vêtements qu’on vend sur Instagram… On passe plus de temps connectés ensemble qu’avec nos parents.”
Aussi à l’aise au chant que dans le rap, London ne se reconnaît pas dans les tics machos qui parcourent encore trop souvent le hip-hop. Sur la pochette de O∆, il pose en robe, comme le Bowie de The Man Who Sold the World :
“Là où j’ai grandi comme dans la musique que j’écoutais plus jeune, il y avait beaucoup d’hypermasculinité. Dans le hip-hop bien sûr, mais aussi dans le rock. Pourtant, il y a en nous autant de féminin que de masculin. Sur la pochette, je porte une robe de ménagère. Parce que, selon moi, la femme au foyer est l’un des personnages les plus opprimés de l’histoire américaine. Et puis, c’est super confortable. Tout le monde devrait faire du skate en robe !”
Tel est l’appel de London.
{"type":"Banniere-Basse"}