Luxueuse, glaciale ou joviale, de la haute pop venue d’Ecosse. Critique et écoute
En une quarantaine d’albums où le feutre et le granit, la soie et le papier de verre cohabitent en une pop biscornue, lo-fi et attachante, l’Ecossais King Creosote (frère du fondateur des géniaux Beta Band) a envisagé la pop sous tous ses angles, même les plus cagneux, même les plus éloignés du plancher des vaches.
Etonnamment luxueux, produit et arrangé, fouetté de mille cordes, riche d’autant d’écarts de températures, du glacial et spartiate Crystal 8s aux joviaux et frénétiques Largs ou Bluebell, Cockleshell, 123, cet énième album continue de lire en diagonale les règles de la pop, sautant même les pages les plus rasantes. King Creosote compose ainsi des cathédrales avec des cure-dents pour en graffer les murs. Il se rapproche pourtant ici d’une “normalité” et d’une “stabilité” auxquelles on le pensait étranger, rétif même.
On s’émerveille ainsi de l’ouverture de son monde parfois un peu exigu, ombrageux autrefois, au grand soleil, accueillant des chorales joueuses, des orchestrations aux audaces et raffinements insoupçonnés – même si l’Ecossais avait largement visité cette grandeur en duo avec Jon Hopkins ou sur les moments les plus gracilement psychédéliques de ses albums Bombshell ou Flick the Vs. De Leaf Piece à One Floor Down, de Pauper’s Dough à Miserable Strangers, sa voix pleine et chaude, ingénue du son, se charge ainsi de la paix des âmes, d’arrêter le temps qui cavale.
Car cet album ne s’écoute pas d’une oreille distraite, mais se vit dans la complicité et l’abandon. Il serait même très malheureux de l’acheter en tranches, d’en démembrer les chansons, tant il forme un récit, haletant et accaparant. Ce trésor de pop multiple s’appelle From Scotland with Love, et c’est le grand amour.