La suite de notre série sur des films difficiles ou impossibles à voir. Cette semaine, le dernier film de River Phoenix. La disparition soudaine, en 1993, du jeune acteur surdoué, victime d’une overdose à 23 ans, fut un choc pour les fans. Mais tout le monde ne sait pas qu’il était en plein tournage d’un film resté inédit, l’étrange “Dark Blood”.
Mort d’overdose à 23 ans, le soir d’Halloween 1993 sur le trottoir du Viper Room, boîte de nuit de West Hollywood, River Phoenix, frère aîné d’une fratrie d’acteurs – dont Joaquin est aujourd’hui le plus éminent –, était devenu en une poignée de films un teen idol, puis un sex symbol après sa performance fulgurante dans My own private Idaho de Gus Van Sant, où il jouait un hustler gay atteint de narcolepsie chronique. Avec son destin éclair, sa brutale disparition et sa gueule d’ange, il avait quelque chose de James Dean, disparu à 24 ans. Au moment de sa mort, Phoenix fourmillait de projets brillants. Ce qu’on sait moins, c’est que son dernier film, Dark Blood, est resté inédit. Le projet, en soi, était bizarre. Il émanait d’un cinéaste pour le moins atypique, George Sluizer, un Néerlandais cosmopolite, dont le seul titre de gloire restera un thriller batave assez prenant, L’Homme qui voulait savoir (1988). Une histoire tordue d’enlèvement qui généra un remake hollywoodien également réalisé par Sluizer, La Disparue (1993), avec Jeff Bridges et Kiefer Sutherland. Mais ce projet, qui avait entrouvert à Sluizer les “pearly gates” de la Mecque du cinéma, fut précédé par un autre film américain, Dark Blood. En effet, avant son auto-remake, Sluizer avait entamé le tournage de ce thriller avec River Phoenix (plus Jonathan Pryce, star de Brazil, et Judy Davis). Une sorte de huis-clos en plein désert sur une relation triangulaire entre un Indien Hopi (Phoenix), réfugié dans les sables après un deuil, et un couple hollywoodien en perdition.
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La résurrection de Phoenix ?
On ignore la valeur réelle de cette œuvre, jamais sortie – que certains ont comparé pour le style et l’ambiance au Couteau dans l’eau de Polanski –, mais il est clair que tout fan de River Phoenix devrait être curieux de cette potentielle performance iconique qui rappelle le cas de Géant (film posthume de James Dean). D’après Sluizer, 80% du tournage avait été effectué avant la disparition de l’acteur. Mais le film inachevé fut définitivement mis au rancart à cause d’une complexe histoire d’assurance. De plus, à une époque où les effets numériques étaient balbutiants, on n’avait pas imaginé de recourir à des artifices informatiques pour faire renaître Phoenix. (Cela dit, un an après, un problème similaire n’empêcha pas la finition de The Crow, endeuillé par la mort violente de l’acteur principal, Brandon Lee, en plein tournage). Il y avait néanmoins des trous importants dans le film, dont six scènes essentielles (en particulier celles montrant la montée de la tension érotique entre l’héroïne et le jeune indien hopi). George Sluizer n’a pas déclaré forfait pour autant. Après une rupture d’anévrisme ayant mis sa vie en danger, il décide dix neuf ans plus tard de compléter le film coûte que coûte, histoire de ne pas l’avoir tourné en vain. Dans la copie finale, les manques sont remplacés par des descriptions en voix-off. En 2012, une bande annonce sera réalisée, et en 2013, on présente le film hors-compétition au Festival de Berlin. Mais, sans doute en raison de son aspect encore lacunaire, le film ne sortira jamais en salle. Sluizer mourra l’année suivante. Aujourd’hui Dark Blood existe sous forme de DVD très confidentiel : import nippon au prix prohibitif (en VOST japonaise), ou import allemand.
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