Une histoire parallèle du monde et de ses mythes, inventée et déplacée par Camille Henrot.
« Il y a un tropisme pour l’anthropologie dans votre travail…”
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C’est ainsi que démarre, en ce mercredi de juin, la table ronde orchestrée par Camille Henrot en présence du philosophe et sociologue Jacques Leenhardt et de Jean-Hubert Martin, dont l’exposition- manifeste de 1989 Les Magiciens de la terre réhabilita la notion de primitivisme au sein du champ de l’art contemporain. Du beau monde venu proposer une lecture transversale de la cosmogonie vorace déployée par la jeune Camille Henrot.
Les notions d’ethno-décentralisation et d’hybridation sont les moteurs de la plupart des oeuvres qu’elle présente à l’espace Louis-Vuitton. Entre la série des “objet augmentés”, appareils ménagers et rebuts collectés dans les free markets avant d’être plongés dans le goudron, et ces “fétiches” réalisés à partir de tuyaux et autres durites aux allures buli ou de coiffes bambara, il y a de l’exotisme chez Camille Henrot.
De la magie aussi, dans la lecture quasi animiste qu’elle livre du circuit marchand et de ses ratés. On retrouve ainsi au détour de cette exposition-monde deux immenses ailes d’avion totémiques, un clin d’oeil au “culte du cargo”, tradition mimétique qui consistait, chez les indigènes d’Océanie, à imiter les opérateurs radio et à reproduire les pistes d’atterrissage permettant aux Blancs d’obtenir comme par magie le parachutage de vivres et de médicaments.
“Il n’y a pas de pureté artistique, rappelle Jean-Hubert Martin. Tous les collectionneurs cherchent l’objet pré-contact, ces objets qui préexistent à l’arrivée du Blanc. Cette éternelle fascination pour le paradis perdu est totalement aberrante. Elle tient surtout à la culpabilité des colonisateurs que nous sommes.”
A l’inverse, il ne faut pas tomber dans le fantasme de l’acculturation parfaite, souligne Jacques Leenhardt :
“La perte totale de culture n’existe pas. Les anthropologues préfèrent parler de transculturation, de cultures qui se traversent réciproquement et qui, du coup, produisent une double acculturation.”
C’est là que travaille Camille Henrot, avec ses Légendes dorées par exemple, une série de gravures qui télescopent la figure du yogi et l’imagerie des martyrs chrétiens. En agissant comme elle le fait, en “maître ignorant” pour reprendre le titre éponyme d’un ouvrage de Jacques Rancière, Camille Henrot interroge ce qu’elle appelle “les malentendus” de l’histoire.
“Pourquoi ne pas imaginer une autre archéologie, une mémoire alternative à la culture occidentale ?, questionne l’artiste. Pourquoi certaines civilisations ont-elles réussi à s’imposer comme curseur historique, quand d’autres, les Vikings ou les Celtes par exemple, ont été minorées ?”
Avec cette archéologie du présent fondée sur la réhabilitation de pratiques et d’objets du quotidien remisés, c’est simplement une autre histoire, à la marge,
Perspectives Jusqu’au 5/9 à l’Espace culturel Louis- Vuitton, 60, rue de Bassano, Paris VIIIe, tél. 01.53.57.52.03 ///
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