Le catalogue le plus juteux au monde refait un magical (33) tour de piste. Critique.
C’est un homme entre deux âges au look de teenager qui nous reçoit aux studios Abbey Road pour une écoute en avant-première des vinyles des Beatles. Au détour d’une longue et parfois fastidieuse explication technique sur le mode de transfert du digital à l’analogique ou sur le choix de la laque ayant servi à la matrice de ces nouvelles éditions, il glisse le chiffre qui tue : 22 millions. Il s’agit du nombre de CD des Beatles vendus à travers le monde depuis la remasterisation du catalogue en 2009.
Sean Magee et cinq de ses collègues ingénieurs du son, sous la direction d’Allan Rouse, sont donc un poids économique considérable à l’échelle d’EMI, dont la vente récente à Universal s’est négociée essentiellement autour du joyau de la Couronne que constitue le catalogue des Fab Four. Le revival du vinyle battant son plein et l’album Abbey Road était le disque le plus vendu l’an dernier sur ce support aux États-Unis, il était inévitable que paraisse un coffret de 33t équivalent à celui des CD il y a trois ans.
L’affable Sean Magee a donc supervisé dans les moindres détails cette nouvelle vague de vinyles pressés d’après les remasterisations de 2009 (ce qui fera forcément bramer les puristes), dans un studio grand comme une chambre d’ado, pourvu toutefois d’un système d’écoute digne des plus grands auditoriums.
À l’écoute du résultat, évidemment, on est émerveillé par la finesse et la précision du rendu, même si personne n’entendra les Beatles de cette façon chez lui. Restent les objets, reproduits là encore avec soin, avec tout leur appareillage fétichiste : les figurines à découper de Sgt. Pepper, le comic book de Magical Mystery Tour, le poster et les photos des quatre Beatles insérés dans le White Album, le dépouillement monacal d’Abbey Road.
Mais le plus impressionnant, justifiant à lui seul l’investissement, c’est encore le livre d’art conçu uniquement pour le coffret, qui met en scène chaque album et propose des photos jamais ou très rarement vues, jouant sur les textures visuelles avec autant d’inventivité que les Beatles eux-mêmes jouaient avec les textures sonores.