Au Frac Franche-Comté, Raphaël Zarka expose des sculptures inspirées des modèles du mathématicien Arthur Schoenflies et une autre consacrée à l’art du glissement.
Dans “La famille Schoenflies”, un texte écrit en 2017 pour la revue Objets mathématiques (CNRS éditions), l’artiste Raphaël Zarka citait l’écrivain Jorge Luis Borges, comme un écho possible à son propre travail : “C’est presque insulter les formes du monde de penser que nous pouvons inventer quelque chose ou que nous ayons même besoin d’inventer quoi que ce soit.”
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Plutôt qu’inventer, il s’agit pour Zarka de dupliquer (et répliquer), fût-ce des objets improbables comme ceux en plâtre dessinés par le mathématicien et cristallographe allemand Arthur Schoenflies (1853-1928), connu pour son classement des cristaux en 230 groupes spatiaux.
Une sculpture modulaire, destinée à la pratique du skate-board
C’est à ce genre d’obsession étrange, qui confine au fétichisme de la marchandise mathématique, que se livre Raphaël Zarka dans sa nouvelle exposition, Partitions régulières : une monographie présentée au Frac Franche-Comté, aux côtés de celles d’Hugo Schüwer Boss et d’Etienne Bossut, toutes trois curatées par Sylvie Zavatta.
Faisant d’un modèle mathématique l’objet de son expression artistique, Zarka expose des sculptures inspirées de celles de Schoenflies et réalisées selon deux protocoles distincts : La Famille Schoenflies, une série de sept petites sculptures en merisier posées à même le sol, dont les formes reproduisent celles des blocs sculpturaux du mathématicien.
Puis une sculpture plus imposante, modulaire, dite “instrumentale”, destinée à la pratique du skate-board, l’autre sujet fétiche de l’artiste – on en retrouve la trace dans son film de 2008, Topographie anecdotée du skateboard, un inventaire dense et haletant des surfaces détournées par les skateurs dans l’histoire de l’espace urbain.
Cette façon de se laisser envahir par l’imaginaire des formules mathématiques le conduit aussi à exposer sur les murs d’autres motifs géométriques issus de faux marbres peints des fresques de Luca Signorelli et Le Sodoma durant la Renaissance italienne.
Entre raideur poétique et matérialité brute
Entre ces dessins sculpturaux immémoriaux et ces sculptures en bois très architecturées, avec leurs pics, leurs angles droits, leurs plans inclinés, comme un collage cubiste ou une sorte de déflagration d’une pièce de Carl Andre, Raphaël Zarka se veut autant esthète que géomètre.
Dans leur raideur poétique, ces pièces sont la trace de sa volonté d’extraire du fond de son travail conceptuel la matière d’un enchantement esthétique. De ses explorations archéologiques, émergent des formes qui, en dépit de la fixité de leurs origines mathématiques, trahissent la sensualité agile de l’artiste.
Par-delà leur matérialité brute, les œuvres de Zarka se déploient à travers un dialogue fécond en creux autant qu’en surface : avec ce qui les conditionne, en-dehors du champ de l’art, et avec ce qui les environne, en son sein ; à l’image des peintures abstraites d’Hugo Schüwer Boss, exposées en vis-à-vis de ses sculptures, mais aussi du Remake d’Etienne Bossut – le moulage intégral d’une Porsche de 1951, une image-objet comme un ready-made rectifié, voire un “already-made”.
C’est dans ce qu’il appelle “la migration des formes” et la requalification poétique d’objets sans qualité, que Raphaël Zarka conçoit ses partitions artistiques au fond moins régulières que baroques, moins conceptuelles que pop.
Partitions régulières de Raphaël Zarka ; Every Day is Exactly the Same de Hugo Schüwer Boss ; Remake d’Etienne Bossut. Jusqu’au 20 mai, Frac Franche-Comté
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